Dark Void (PC)
Par Pierre Compignie le jeudi 9 septembre 2021, 08:35 - Archives
2020
Will, un pilote d’avion, dans les années qui précèdent la seconde guerre mondiale. Il survole le triangle des Bermudes avec à son bord sa cliente, Ava, qui est aussi son ex. Pris dans une tempête, leur avion s’écrase inexplicablement dans une jungle présente sur aucune carte. Will et Ava sont aux portes d’un monde secret où une guerre décisive pour l’avenir de l’humanité les attend…
C’est un de ces quelques Gears-like qui partent de Gears (en gros, le TPS lourd à couvert) pour construire par-dessus et aboutir à un résultat convaincant et chouette qui vole de ses propres ailes – à l’instar des jeux Inversion et Quantum Theory.
Dark Void aurait pu avoir un grand succès s’il était sorti avant Gears, avait bénéficié du même soutien publicitaire et d’une direction artistique plus forte (les robots qu’on affronte font pâle figure face aux Locustes).
Hélas. Je pense que les journalistes ont beaucoup trop encensé Gears par rapport à sa valeur intrinsèque et se sont défoulés sur ses « clones » sortis ensuite qui n’avaient pas son aura d’exclu Microsoft et sa force de frappe marketing. C’est un comportement que j’ai souvent constaté dans la presse JV ; il y a les titres moyens voire mauvais mais intouchables qui récoltent les meilleures notes, et à côté ceux qui récupèrent leur base et font mieux avec mais servent de punching-ball aux critiques.
Revenons à Dark Void. Le jeu a beaucoup de qualités en vérité. Les animations du personnage un peu gauche le rendent attachant, je pense à quand il décolle avec sa fusée, il perd l’équilibre et ses jambes font n’importe quoi. Même sa façon de courir exagérée je la trouve fluide et touchante. Ses membres (bras, jambes) m’ont semblé animés d’une façon personnelle, pas si lointaine de ce qu’on peut observer dans un film d’animation. On n’est pas dans une animation procédurale façon Uncharted – aussi moche que sans doute à la pointe techniquement – mais dans quelque chose de classique, rigide mais avec du caractère.
Le personnage d’ailleurs a une personnalité un peu gauche, voire un fond dépressif. Il parle facilement, s’exprime beaucoup et est amusant mais ne s’est pas remis de sa dernière relation sentimentale et semble vivre à moitié depuis. Il est super baraqué (même si les proportions sont cartoons, bien moins réalistes que dans Uncharted et moins « tank » que Gears) et en même temps son visage est presque celui d’un petit garçon, il est souvent un peu niais et benêt mais d’une façon touchante. Il est doublé par l’acteur de Nathan Drake, Nolan North, mais si la voix est la même l’interprétation est différente, ça ne produit pas le même personnage.
Will, notre héros, n’est pas si éloigné des héros de Edgar Rice Burroughs (cycle de Caspak, cycle de Mars) : grande compétence militaire et naïveté du cœur. Il passe le jeu à courir après Ava, son ex, pour revenir avec elle dans notre monde, non sans qu’elle utilise son amour inavoué pour le faire combattre pour la bonne cause. L’histoire est pleine de découvertes énormes livrées avec une générosité de série B. Les rebondissements et révélations s’enchaînent, l’univers et sa mythologie ne cessent de s’étendre, il y a beaucoup d’action et le jeu se conclut de façon émouvante – mais qui appelle un peu une suite qui n’arrivera jamais… Clairement le scénario est un point fort ! Sans être génial : la fin est précipitée, il y aurait pu y avoir plus de conflits internes, plus de suspens, un meilleur fil rouge… On n’est pas au niveau des meilleurs films et séries, ce n’est pas très profond, mais c’est divertissant et généreux.
Je parle beaucoup de Uncharted car une partie du jeu se déroule dans un décor de jungle tropicale. Visuellement le début évoque franchement Uncharted, mais auquel on jouerait façon TPS lourd à la Gears.
Mais très vite je n’ai plus eu du tout l’impression de jouer à Gears… Dès le début on est amené à se servir de la touche de saut (absente de Gears) pour progresser dans l’environnement et atteindre des plate-formes où sont cachées des orbes rouges ou violettes (permettant d’améliorer les armes et le jet-pack). Ensuite le jeu introduit le jet-pack en plusieurs étapes : d’abord comme un « double saut », ensuite pour planer et prendre de l’altitude temporairement (avec une jauge de refroidissement) et enfin pour voltiger et voler en illimité et tirer avec des canons en combat aérien !
Si les premières arènes de combat rangé évoquent Gears, passé le premier quart du jeu ça n’a plus rien à voir. La fonction planeur nous autorise à tirer en plein vol et à survoler littéralement le niveau en faisant pleuvoir le plomb sur nos adversaires. La progression elle-même a une forte dimension plate-forme / verticale et n’est pas du tout « clouée au sol ». Les cachettes surélevées avec des orbes se multiplient, la liberté de mouvement est totale dans des niveaux à fort dénivelé. La fonction vol transforme Dark Void en jeu de combat aérien, et le génie du game design est d’avoir autorisé la transition à n’importe quel moment. C’est-à-dire que même dans un couloir de 2 mètres de large fait pour marcher à pied, on peut déclencher ses réacteurs pour passer en mode vol. Évidemment cela équivaut à un game over puisque le personnage se prendra le mur, mais quel gain en terme d’immersion et de confiance accordée au joueur…
Dommage cependant que le level design se cantonne à du shoot de cibles indiquées ; je n’ose imaginer l’intérêt de phases d’exploration qui auraient mis à profit la vitesse et la liberté de mouvement de la fonction vol activable à l’envi dans des environnements immenses, complexes et mystérieux. Ce n’est pas tous les jours qu’un jeu nous laisse une liberté de déplacement totale au sein de son univers ! Malgré ce plafonnement grand spectacle un peu vain, les combats aériens finissent par être grisants grâce à une marge de progression considérable dans le maniement. Au début je galérais à détruire un vaisseau ennemi ; à la fin je les traquais et les enchaînais avec moult acrobaties, en visant légèrement au-delà de leur position afin que mes projectiles les atteignent et en les arrosant de missiles acquis à la sueur de l’amélioration orbesque du jet-pack !
Et en fait même les combats avec les armes du perso (c’est-à-dire hors canons et missiles du jet-pack) tirent leur épingle du jeu. Pouvoir tirer et viser tout en survolant les ennemis c’est super, d’autant qu’on bénéficie d’impacts lisibles sur les ennemis à chaque tir (particulièrement avec la mitrailleuse améliorée et ses balles explosives!) et d’armes puissantes et fun. Je pense au sniper alien redoutable ou au « désintégrateur » qui met la pagaille dans les lignes ennemies en envoyant violemment les restes des robots explosés rebondir contre les murs !
C’est bas du front, mais c’est aussi particulièrement dynamique, vivant et jouissif. Le scénario offre des enjeux dramatiques appuyés par la bande originale très efficace et jolie de Bear McCreary. La virevolte n’est pas sans rappeler Bionic Commando (à un niveau de grâce inférieur). Le jeu est respectueux de notre temps en ne s’éternisant pas compte tenu de ce qu’il a à proposer. Et enfin, les journaux qu’on peut ramasser sont intéressants à lire ; on y trouve des écrits d’autres « naufragés » du triangle des Bermudes, le récit d’une primitive psychopathe ou encore des informations mythologiques sur les robots alien qu’on affronte. Un peu dommage qu’ils soient cachés car j’en ai loupé plein, et même si passé le générique de fin un message nous indique que l’on bénéficie désormais d’un radar amélioré les indiquant, je n’ai pas non plus la motivation de refaire tout le jeu pour tous les lire.
…Mais j’ai quand même refait les premiers chapitres pour tester le radar et ramasser quelques journaux !
60 ips constantes sur PC avec une carte graphique d’entrée de gamme (GeForce GT 1030) ; des aliens dans des robots qui se font passer pour des dieux auprès d'une civilisation d'humains primitifs sur une île coupée du monde, Nikola Tesla, un jet-pack et un monde parallèle semblable à un purgatoire… Ça fait envie, non ?
Verdict = vaut le coup !