Deus Ex : Invisible War (Xbox)

Incompréhensible Alexandra

Jeu terminé en mode réaliste.

J'ai aimé ce jeu comme j'ai aimé Splinter Cell Chaos Theory, pour les quelques moments de bonheur distillés par la jongle entre les différentes ressources de l'héroïne pour résoudre des problèmes très concrets. Je me rappellerai toujours (dans SC) de ce niveau dans une banque, où je descendais par un filin, je me retrouvais encerclé par des lasers et là je piratais à distance un ordinateur pour les éteindre... Et puis ensuite je collais aux semelles d'un garde pour traverser une salle parce qu'il désactivait sur son passage les lasers horizontaux... Ah, c'était beau. Et bien j'aurai des souvenirs comparables avec Invisible War.

I) INTERACTION

+ Gameplay

Nous déplaçons l'héroïne Alex D. en vue à la première personne, avec la configuration manette classique de ce style de jeu (bouger sur le stick gauche, regarder sur le droit). Alex D. peut sauter et, surprise, peut se hisser si on maintient la touche enfoncée.

On a accès à un inventaire limité qui va stocker tous les objets que l'on ramasse (armes, trousses de soins, gadgets) et permet sur la même case d'avoir une certaine quantité du même objet (exemple : dix trousses de soins n'occupent qu'une case). Tous les objets occupent une seule case, mais le nombre de ce même objet que l'on peut avoir sur une case change selon l'objet.

Tu peux mettre deux accessoires max sur chaque arme, accessoires à trouver dans le jeu.

Alex D. bénéficie de biomodifications à débloquer au fil de l'aventure, à mesure que l'on ramasse des modifico-prismes. De la même manière qu'avec les objets, on a accès à un menu dans lequel activer ou désactiver les différentes modifications, en sachant que certaines d'entre elles sont passives et sont constamment activées. Le menu permet également d'utiliser ses modifico-prismes afin de débloquer une nouvelle modification ou d'en améliorer une déjà débloquée. Pour chaque organe du corps d'Alex D. (oeil, cerveau, etc. mais six ou sept en tout) trois biomodifications sont possibles mais une seule peut être installée. Il faudra donc faire des choix.

Alex D. dispose d'une barre de vie ainsi que d'une barre d'énergie. Quand la barre de vie tombe à zéro c'est la fin de la partie, quand c'est l'énergie les biomodifications actives ne peuvent plus être utilisées. Des objets ainsi que des robots dans le jeu permettent de recharger ces deux barres.

Pour battre le jeu il s'agira d'accomplir des missions allant du simple parcours à l'assassinat ou encore à l'espionnage de conversation.

Il existe aussi un système monétaire, l'argent permettant d'acheter divers objets à des marchands.

+ Narration

On touche au point fort du jeu à mon sens. Ce que réussit très bien Invisible War c'est nous mettre dans la peau de cette héroïne agent secrète biomodifiée confrontée à divers problèmes d'espion. Comment pénétrer dans une armurerie sans porte dont toutes les vitrines déclenchent une alarme si brisées et alors qu'un garde patrouille autour ? Comment faire face à ces robots gigantesques en travers de notre chemin ? Notre héroïne est pleine de ressources et il s'agit pour le joueur d'utiliser la bonne et de ne pas louper son coup. On est à l'opposé d'un jeu où à chaque obstacle on nous indiquerait quel gadget utiliser ; là c'est t'as vingt super trucs d'espion, démerde-toi pour passer. En vrac et pour appuyer mon argumentation : vision à travers les murs, grenade EMP (vide l'énergie électromagnétique), sniper, piratage de tourelles pour en faire tes alliés, accessoire brise-verre qui fait fondre le verre, fusil EMP qui tire à travers les murs, course silencieuse, super force pour assommer les humains en un coup de matraque, camouflage thermique pour être invisible aux yeux des machines (biomodification active qui consomme de l'énergie bien sûr), cape pour être invisible comme Giuliano Gemma dans Les Titans... Je mets trois petits points parce qu'il y en d'autres et que je n'ai pas envie de tout citer.

Les déplacements ont plus d'humanité que ceux d'un Modern Warfare 3, ils sont un peu plus lourds et ont plus d'inertie. On a plus l'impression de contrôler un humain que dans le jeu sus-cité.

Autre chose réussie, l'exploration, la nécessaire reconnaissance visuelle des niveaux pour progresser. Bon Dieu que ça fait plaisir. Pas de GPS, pas de localisateur d'objectifs, des cartes mais sommaires et sur lesquelles notre position n’apparaît pas... Le bonheur quoi, le pied pour s'immerger dans le monde de la "guerre invisible". Je veux bien que ça soit crédible narrativement parlant d'avoir un GPS quand le personnage que l'on incarne en a un dans le jeu, mais ça n'aide franchement pas à ce que nous joueur on se sente dans le peau de ce mec qui vit dans ce monde. Je veux voir le monde par les yeux de mon bonhomme, pas par ceux d'un GPS, je ne vois rien par les yeux d'un GPS. Il faut tâter la roche de ses yeux, pour croire à l'histoire du type qui la frôle.

II) RÉCIT

+ Synopsis

Oups, il n'y en a pas. En fait si, mais tellement faible. En gros c'est Alex D., agent secrète biomodifiée fraîchement sortie de l'académie, qui va être accostée par différentes factions pour l'enrôler et lui donner des missions. Elle va accepter des missions et voilà. Chaque faction promeut une idéologie distincte et a des desseins bien particuliers. Bien les enjeux dramatiques, t'as vu ?

+ Ce que raconte le jeu

Il y a une raison pour laquelle je n'ai pas parlé dans la partie interaction du choix des missions proposées par les factions, pourtant bel et bien laissé au joueur : tout simplement parce que d'une part il n'a rien à voir avec le gameplay (le choix de la mission n'est pas un choix dictant la réussite ou la défaite) et que d'autre part il ne raconte rien étant donné que c'est le joueur qui raconte.

Le jeu se présente comme une succession de gros et de petits niveaux, les gros niveaux étant en général des villes avec plein de trucs à faire (des missions secondaires) et les petits niveaux des environnements linéaires sans trop d'à-côtés. Dans chaque niveau on a des objectifs de plusieurs factions, libre à nous de choisir quelle faction on va suivre ou même dans quel ordre on va les suivre si les objectifs ne se contredisent pas et qu'on a envie de bosser pour tout le monde. A un moment on termine le niveau et on passe au suivant, l'ordre des niveaux lui ne peut changer.

Le jeu va donc raconter ce que le joueur va bien vouloir mais en fait pas tant que ça. Parce que LE truc sur lequel le jeu ne te laisse pas le choix, c'est le fait d'accomplir ou non des missions. L'histoire, c'est Alex D. qui bosse, et ça pour tous les joueurs ce sera la même. Pour finir le jeu tu dois obéir à des ordres. C'est assez choquant en fait, parce que le moment où je me suis rendu compte de cette obligation je l'ai trouvé complètement déplacée parce que pas du tout justifiée par le récit du jeu, et pas du tout amenée au préalable. Attendez, vous allez comprendre.

Le premier gros niveau du jeu (dans le jeu il y a des petits et des gros niveaux, on y viendra), c'est Seattle. On est contacté par les diverses factions qui nous proposent des jobs. Si on parle à des gens dans la rue on peut aussi se retrouver avec d'autres propositions de jobs. Il se dégageait de ce passage une impression de complète liberté, genre rien ne semblait m'obliger à faire quoi que ce soit. Finalement j'ai fait toutes les missions, de mon plein gré (parce que l'héroïne, elle, ne semble pas en avoir grand chose à fiche), et voilà que je me trouve obligé pour avancer dans le jeu de prendre l'avion et ainsi d'accepter obligatoirement de travailler au moins pour une faction. Mais WTF. Moi qui me croyais libre, moi qui croyais que mon héroïne n'en avait rien à fiche de rien du tout, voilà qu'elle veut bosser ?

Ça n'aurait rien enlevé à la structure du titre de donner à l'héroïne des enjeux dans le cadre desquels tous ces choix qu'elle fait dans l'aventure auraient du sens. Par exemple, elle pourrait avoir une volonté bien à elle, une mission personnelle, qui nécessiterait de frayer avec les factions. Mais non. Alors qu'elle le fait dans le jeu (frayer avec les factions, travailler pour elles). Le jeu n'explique pas POURQUOI l'héroïne fait tout ce qu'elle fait (ce qu'on lui fait faire, mais en fait ce que le jeu nous oblige à faire pour terminer le jeu).

On a le choix des objectifs, mais pas d'en accepter aucun, sans que ce point précis soit justifié par le récit.

III) RÉALISATION

Ça rame le cake. Sincèrement, le nombre d'images par seconde c'est pas la joie. En plus, les temps de chargement sont super longs et on en mange après chaque mort. A part ça RAS, le jeu est plutôt beau et la réalisation assure.

IV) CONCLUSION

Le choix des factions n'a aucun impact sur le gameplay, c'est du pur jeu de rôle ; contrairement au choix d'approches, où il s'agit de faire du mieux que l'on peut avec ce qu'on a. C'est là que le jeu m'a passionné, pas dans son récit inexistant ni dans son côté jeu de rôle qui ne m'intéresse pas.

Ci-dessous, en complément, un texte écrit avant la critique.

Ceci n'est pas un test. Je n'ai pas terminé le jeu, je viens de quitter Seattle pour la première fois.

Contexte : après avoir choisi le sexe et le type de mon personnage, qui s'appelle Alex D., je commnce l'aventure. Alex D. est une recrue de l'académie Tarsus à Chicago, alors elle a étudié très tôt dans des écoles Tarsus mais à un moment on lui a proposé de devenir un agent secret biomodifié et elle a accepté. L'histoire commence alors que Alex D. est rapatriée de justesse en hélicoptère vers les locaux de Tarsus à Seattle après un attentat majeur à Chicago qui détruit toute la ville. Alors que Alex D. se remet de ses émotions dans son appartement perso de Tarsus Seattle elle est convoquée par le Docteur Nassim (biomodifications et tout le toutim). Elle parle vite fait à sa pote Billie, sort dans le couloir et voit un garde mourir dans une explosion. Elle prend l'ascenceur et demande ce qui se passe au Docteur Nassim et apprend que des terroristes de l'Ordre sont en train d'attaquer les locaux de Tarsus. A partir de là elle va se débrouiller pour échapper aux terroristes et quitter les locaux de Tarsus. Elle découvre qu'elle était constamment surveillée dans son appartement avec tout le plafond qui en fait était juste une simulation, elle était véritablement comme un hamster dans une boîte en plastique. Elle parvient à s'en aller et se retrouve en plein Seattle, logique. A partir de là elle n'a absolument rien à faire, mais plusieurs personnes la contactent. L'OMC, une sorte de faction militaire dont je n'ai pas encore compris la teneur veut la voir. Hop, un nouvel objectif : aller voir la dame de l'OMC. Une femme de l'Ordre la contacte également, en lui expliquant que les meurtres au Tarsus ce sont des agents de l'Ordre qui ont trahi leur cause. Mouais. En tout cas elle veut voir Alex D. Hop, objectif : aller voir la dame de l'ordre. Puis un écran de tutorial m'explique que les objectifs donnés par différentes factions peuvent être en contradiction et que je fais bien ce qui me plaît. OK. Après avoir fait justement ce qui me plait c'est-à-dire tous les objectifs principaux (alors que je le répète rien ne m'y obligeait, je suis allé voir l'Ordre ET l'OMC, mais je pouvais très bien aller voir l'un et pas l'autre, du coup aucun n'est légitime EN DUR pour Alex D.) et quasiment tous les objectifs secondaires, un objectif unique ressort (sinon il n'y a plus rien à faire dans le jeu) : prendre un avion pour quitter Seattle et rejoindre les locaux de Mako Ballistics, lieu des prochaines missions à la fois de l'OMC ET de l'Ordre. Ce qui signifie qu'Alex D. accepte de bosser pour l'un ou l'autre voire les deux.

Quelque chose me pose problème. Le jeu "m'oblige" à prendre un avion pour quitter Seattle et me rendre dans les locaux de Mako Ballistics. Pourquoi ? Jusqu'ici j'ai pu faire absolument ce que je voulais dans la ville, accomplir les missions de qui je voulais (ou n'en accomplir aucune), pourquoi serais-je maintenant obligé de prendre un avion pour Mako ?

L'héroïne est transparente, elle a un passé atrocement banal et semble n'avoir rien à cirer de ce qui se passe autour d'elle (ses parents sont morts et ça ne semble lui faire ni chaud ni froid). Pourquoi SE REND-ELLE à Mako Ballistics ?

Je ne trouve pas ça cohérent. Depuis que je suis sorti de l'académie Tarsus mon héroïne est libre comme l'air, n'a plus de patron ; pourquoi suis-je obligé de la faire prendre un avion et se rendre à Mako ? Ce qui m'embête c'est qu'on est obligé de faire cela pour avancer dans le jeu, or ça n'a aucune cohérence avec la personnalité de l'héroïne qui pourrait très bien se trouver un appart' et voler de la nourriture pour prendre un mois de vacances. Le jeu ne semble pas assumer la liberté qu'il laisse au joueur dans l'occupation de son héroïne et pas non plus la vacuité (induite ET non induite) de ce personnage.

Être obligé de quitter Seattle pour "se mettre au boulot", parce que ce voyage représente expressément l'acceptation de l'offre de mission d'au moins une des factions qui ont démarché l'héroïne, c'est nier la liberté qu'avait le joueur sur son personnage en foulant pour la première fois le pavé du Haut seattle. Parce que si jusque-là je sentais que rien n'était écrit par la possibilité que j'avais d'envoyer bouler toutes les factions cherchant à m'employer, je suis arrivé à un point où le jeu n'a plus rien à m'offrir d'autre que d'accepter de bosser pour l'une ou l'autre des deux factions, alors même que ni moi ni mon héroïne n'en avons particulièrement envie. Le jeu m'oblige à rejoindre un rail narratif que jusque-là en me déplaçant dans Seeattle je n'avais pas senti. J'apprends stupéfait que mon héroïne est désespérée de trouver du travail alors que je la sentais en dilettante jusque là.

Et quand je parle de la vacuité induite et non induite du personnage, je parle respectivement de son absence de position politique (laissée à la discrétion du joueur), et de sa personnalité et histoire personnelle extrêmement peu fouillées et basiques. Je pense que ça n'aurait tué personne et surtout pas le concept du jeu d'avoir un personnage à la personnalité et au passé plus marqué. Je pense que de par la nature limitée du choix laissé au joueur (qui au fond se limite à l'orientation politique), j'entends par là l'étendue relativement restreinte de son empreinte sur la définition du personnage, on aurait très bien avoir une Alex D. avec un passé autre que "j'ai fait espionne parce qu'on me l'a proposé et je me suis dit pourquoi pas" et une personnalité plus complexe que l'ironie distante dont elle fait preuve dans les séquences de dialogue.

Par contre, en ce qui concerne le challenge que le jeu a à proposer, on est bien au-dessus de Human Revolution. Rien que les déplacements ont bien plus de sens puisqu'ici ni Objective Locator ni GPS (carte) ne viendront se substituer à l'exploration obligatoire et à la reconnaissance visuelle nécessaire des coins et recoins des niveaux.

J'aime aussi le fait que le jeu ne demande pas expressément au joueur de choisir, pour son personnage, entre violence et pacifisme. Ici, Alex D. est un agent qui peut très bien se salir les mains en mission et puis c'est tout. De base, c'est une potentielle tueuse. Alors que le coup de me demander à moi joueur dans Human Revolution si je veux qu'Adam Jensen soit un fou de la guerre ou un idéaliste... Ben ça m'horripile. Je ne me sens pas avoir une telle influence dans l'écriture du personnage d'Alex D. et c'est tant mieux.

A côté de ça, pour aborder les situations on a bien sûr le choix de la violence ou de l'infiltration. Mais, et c'est un grand mais, contrairement à Human Revolution qui inclut le système de couverture d'Uncharted, Invisible War ne récupère pas les spécificités d'un Return To Castle Wolfenstein... Ce que ça veut dire, c'est qu'IW n'est clairement pas fait pour jouer bourrin, et recourir à l'infiltration est plus une nécessité qu'une coquetterie (d'autant plus alors que je joue en mode réaliste, mais de toute manière IW n'est pas un jeu de shoot, alors que HR en embarque tout l'attirail).

De manière générale je suis convaincu par le challenge qu'offre IW ; là où dans HR tout pouvait se résoudre à coup de couverture et de révolver, dans IW je dois vraiment me creuser la tête pour passer certains passages, et jouer bourrin n'est pas une option, ce n'est même pas envisageable.

Verdict = vaut le coup !

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