Tomb Raider II (PS)

Je suis de ceux qui préfèrent les contrôles des vieux Tomb Raider à ceux des nouveaux épisodes depuis Legend. Je pense que la grâce du mouvement ne peut exister sans de puissantes limites qui s’y opposent. Un saut réussi est beau seulement si la personne avait toutes les chances contre elle… Dans les nouveaux épisodes depuis Legend, sauter est une action si aisée qu'elle a perdu toute capacité d'émerveillement, à la fois visuelle et ludique.

La rigidité, la lenteur, l'inertie des « vieux contrôles » sont autant de limites du personnages que le joueur doit apprendre à maîtriser pour s'en affranchir et réaliser in fine les acrobaties les plus folles – qui aurait cru qu'un « tank » puisse, initialement agrippé à une paroi, sauter en arrière, se retourner en plein vol pour finalement s'accrocher à un rebord du mur opposé ?

Ce que je veux dire c'est que, en devant faire avec autant de limitations :

  • devoir maintenir une touche pour s'accrocher

  • pas de correction automatique de la longueur et de la hauteur des sauts

  • danger de se cogner à un mur en plein vol

  • réactivité musculaire « humaine » du personnage qui oblige à bien choisir ses commandes (sous peine de devoir les assumer si elles sont fausses, exemple la direction d'un saut)

Il est clair que l'état de « repos » du personnage est bel et bien, comme vous et moi, debout sur la terre ferme. De fait, le simple fait de sauter en avant de quelques mètres pour atteindre une plate-forme nécessite dextérité, discipline et sang froid. Ce qui est non seulement bon à prendre en terme d'intérêt ludique, mais aussi en terme narratif puisque ce sont des caractéristiques évocatrices de l'expérience physique d'une jeune femme athlétique.

Là où les compétences demandées par les nouveaux épisodes évoquent plus depuis Legend l'expérience physique d'un cabri génétiquement couplé avec un chat à l'endurance infinie et équipé de rétro-fusées.

Bref, j'aime la lourdeur de Lara. Elle lui offre la possibilité d'être gracieuse.

Maintenant Tomb Raider II. C'est un chouette jeu d'action-aventure. Le niveau « le pont » apparaît gigantesque et en trouver la sortie est gratifiant. Dans tous les niveaux d'ailleurs, arriver à la sortie à force d'exploration, de collecte de clés, de déclenchement d'interrupteur, n'est pas trivial. C'est le résultat d'un travail dans lequel on doit s'impliquer. Il n'y a pas un halo de lumière jaune qui nous indique à chaque instant la direction. On se retrouve dans de grands environnements et on doit comprendre comment ils fonctionnent : où est la sortie ? comment je l'ouvre ? Cet interrupteur, que fait-il ? Il a ouvert une porte, où ? J'ai trouvé un clé, mais je l'utilise où ? Et ce rebord là-bas, comment je l'atteins ? la salle où j'étais au début, comment j'y retourne ?

Il y a un niveau qui s'appelle « le temple de xian » et celui-là est intéressant car il montre pour moi la limite du système de sauvegardes illimitées ainsi que de la difficulté « plate-formesque » du jeu. Ce niveau, sans être un couloir, est l'un des plus linéaires car on commence dans une grande salle, comme un hub, depuis laquelle on va explorer chaque passage, découvrir une clé, qu'on utilisera ensuite dans ce hub en y revenant. Globalement le niveau est un long chemin plate-formesque exceptionnellement ardu et impitoyable. Donc j'ai sauvegardé beaucoup, quasiment à chaque pas, et je suis mort beaucoup. Du coup la progression du niveau c'était sauvegarde/mort/chargement/bisrepetitax5/victoire et ainsi de suite. Les morts multiples et le fait de recommencer juste avant, ça coupe la progression, ça coupe la difficulté, ça donne le sentiment d'être nul. Ce n'était pas agréable. Dans ces moments je me dis que je préférerais un jeu qui me laisse moins sauvegarder mais qui serait plus cool en terme de difficulté. Vu la difficulté extrême, on avait besoin, joueur, des sauvegardes illimitées, cela est clair. Mais je n'ai pas trouvé l'expérience très intéressante car en l'occurrence Lara fait face à des challenges dont elle serait normalement incapable de sortir victorieuse « du premier coup ». Plus que jamais m'a-t-il semblé, l'architecture vire à l'abstraction la plus complète. Lara ne peut s'en sortir que parce qu'elle a des vies infinies – j'ai trouvé à ce moment-là que Tomb Raider II manquait de pertinence.

L'aridité émotionnelle et le minimalisme du scénario sont compensés par cette formidable Lara Croft. Ses animations ont une élégance, un caractère et un découpage qui les rendent inoubliables et donnent à Lara sa majesté. Sa modélisation, sa beauté, son haut bleu vert, son mini-short, ses flingues, sa voix suave, ses tirades distinguées, sa façon de provoquer les hommes en travers de son chemin, ses soupirs même, en ont fait une icône. C'est un personnage pétri de contradictions qui a le premier mérite de ne ressembler à aucun autre. C'est elle qui donne leur âme à ces aventures solitaires. La musique n'est pas en reste, elle aussi élégante et majestueuse.

Lara ne peut pas tourner à 180 degrés sans tourner lentement sur elle-même ou faire une roulade de gymnaste. Ses limitations physiques participent au maintien de son intégrité visuelle. On a perdu ça depuis Legend, où l'on peut bouger Lara de façon aussi nerveuse et incohérente qu'une guêpe ayant siroté du champagne. Les gens ne comprennent pas cela. La Lara de Crystal Dynamics n'aurait jamais conquis les foules à la sortie du premier Tomb Raider ; on n'aurait simplement pas cru au personnage.

Il est urgent d'arrêter de dénigrer la lourdeur des vieux personnages de jeu vidéo et commencer à parler des figures uniques qu'elle a contribué à dessiner.

Verdict = vaut le coup !

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