Uncharted : Lost Legacy (PS4)
Par Pierre Compignie le jeudi 9 septembre 2021, 12:18 - Archives
2020
J’y ai joué en mode de difficulté normal avec les voix en anglais sans sous-titres. Je n’ai pas joué à Uncharted 4.
J’ai été agréablement surpris par le contrôle du personnage. Je l’ai trouvé moins « savonnette » que Drake dans la première trilogie. Je lui ai trouvé plus de poids, un peu plus d’inertie ; on peut moins le faire glisser dans tous les sens à chaque instant. Ceci couplé avec des vibrations à chaque retombée sur le sol après un saut et à chaque prise lors d’une escalade, rendait le maniement de Chloé très agréable, immersif et avec du répondant. On n’est pas du tout cependant au maximum en terme d’immersion de ce qui peut être fait à mon sens, il y a encore beaucoup de marge de progression mais pour moi le studio va dans la bonne direction et ça fait plaisir.
Dans le même registre j’ai adoré le fait que lors d’une escalade, on peut attraper la prochaine prise seulement en orientant la main avec le stick gauche dans la bonne direction. Et on voit, à mesure qu’on tourne le stick, la main du personnage se déplacer à la recherche d’une prise. Voilà une sensibilité, une attention, que ne m’avait jamais demandé Uncharted auparavant.
Bon le problème c’est qu’ils ont laissé la possibilité de marteler la touche de saut comme un abruti, ce qui casse tout hein.
Les décors sont souvent sublimes, surtout dans le chapitre 4 et la grande plaine ouverte. Le rendu est incroyable et je ne peux qu’imaginer le travail et la maniaquerie nécessaire pour atteindre esthétiquement cette beauté. Maintenant je ne peux m’empêcher de penser que cette beauté n’est pas du tout mise en valeur par le jeu même. Il s’agit toujours de filer à toute berzingue dans les niveaux – on les traverse en coup de vent, avec une caméra qu’on tourne constamment avec un flou cinétique – ça floute le décor autour du personnage lors de la rotation, ce qui fait qu’on n’est jamais amené à s’immerger dans cette beauté. On n’est jamais amené à errer, à explorer. Tomb Raider Underworld était moins beau et pour autant on pouvait bien plus apprécier cette beauté ; parce qu’on devait chercher son chemin, comprendre la géographie des lieux, observer… Dans Uncharted il s’agit de suivre un chemin tout tracé ou, dans le cas de cette plaine ouverte du chapitre 4, se rendre aux croix marquées sur la carte… Zéro exploration.
C’est pour ça que je suis presque triste pour les artistes graphiques de Naughty Dog, parce que les pauvres, leur travail n’est pas mis en valeur par le jeu. Dans un Fallout ou un Shenmue ce serait une toute autre expérience… Dans Lost Legacy finalement ils sont réduits à composer des images magnifiques qui ne servent que d’arrière-plan à l’action, de tapisserie. Le flou cinétique dans un jeu aussi beau, une caméra à ce point attentive au moindre caprice du pouce du joueur, c’est une faute de goût monumentale.
Oui je pense qu’un jeu aussi superficiel que Uncharted, dans ce qu’il propose au joueur en terme d’expérience interactive, ne mérite pas de tels décors. Une telle beauté a sa place dans un jeu d’exploration mais pas dans cette espèce de fast-food ludique ultra rapide dans lequel on ne s’attarde sur rien. Même la caméra, sans aucune inertie, n’est pas réglée pour s’attarder…
C’était à peu près tout ce que je trouve de bon dans cet Uncharted. Les personnages me sortent pas les yeux, la progression ludique est répétitive, je me suis ennuyé alors que le jeu est relativement court, le méchant est nul de chez nul (il laisse toujours une chance aux héroïnes), l’infiltration simplifie les arènes de combat qui n’en avaient déjà pas besoin – exit les quelques moments durs de la première trilogie (surtout le 1)… Je n’ai pas vu l’intérêt. L’écriture est lamentable et cliché au plus haut point, avec la Chloé qui se la joue à mort (« I’m tired of walking away » avant de prendre une décision héroïque, comme si la série nous l’avait déjà présentée autrement que comme une solitaire au grand cœur). C’est toujours le problème avec l’écriture de Naughty Dog depuis au moins The Last of Us : ils pensent qu’ils écrivent des personnages complexes et ambigus, alors que pas du tout. C’est ni drôle, ni touchant. C’est un espèce d’entre deux impossible à prendre au sérieux et en même temps pas du tout décomplexé et léger comme peuvent l’être des buddy movies américains.
C’est marrant parce que la chanson du générique de fin (M.I.A. – Borders) m’évoque carrément l’ambiance fun et dynamique qui aurait pu être celle du jeu, avec Chloé et Nadine se vannant sans cesse et des virées en jeep entre filles qui se la jouent gangsta.
Mais non, les scénaristes ont opté pour un premier degré pour lequel ils n’avaient clairement pas la rigueur, la psychologie et la sensibilité nécessaire.
Et puis les problèmes classiques de la série : l’escalade est inhumaine (les personnages sont des petits singes), les structures des vieux temples fonctionnent sans électricité on ne sait comment (à ce stade on est loin du simple mécanisme à poids popularisé par Indiana Jones) et les personnages ne sont pas du tout dans les cinématiques à la hauteur de la violence qu’ils déploient quand on joue (alors qu’on dirige Chloé elle brise des nuques à tour de bras, en cinématique elle est infoutue de tirer sur le grand méchant).
Verdict = dispensable