Dracula 5 : L'Héritage du Sang (PC)

Développé par : KOALABS (France)

Sorti à l'origine en : novembre 2013 (Europe, version PC)

Oserez-vous affronter le Prince des Ténèbres ?

L’AVENTURE :

De retour au Metropolitan Museum, Ellen Cross révèle enfin le portrait de Dracula qu'elle a rapporté d'Istanbul. Cette œuvre convoitée est hélas dérobée la nuit même. En partant sur les traces du voleur, Ellen découvre de nouveaux éléments sur la mystérieuse confrérie de l'Ombre du Dragon à laquelle le fameux Vlad Tépès serait lié.

LES POINTS FORTS :

  • Des puzzles inédits à résoudre
  • Des graphismes et des cinématiques en Haute Définition
  • Un système d'inventaire avec combinaisons d’objets
  • Ambiances sonores immersives et musiques originales envoutantes
  • Une fin alternative[1]

Il s'agit de la suite directe du vidéogiciel Dracula 4 dont j'avais publié la critique il y a quelques semaines. Dans notre média les suites sont parfois l'occasion pour les studios de revoir de fond en comble le moteur 3D, l'interface, le game design, voire le character design... Pour des suites rafraîchissantes qui changent presque du tout au tout. Je pense par exemple à Dino Crisis 2 ou plus récemment The Last of Us : Part 2. Et puis parfois, on a au contraire l'impression que la suite que l'on a devant les yeux est bâtie sur exactement le même canevas que l'opus précédent, voire qu'il s'agit simplement de nouveaux chapitres réalisés exactement de la même façon, sans aucune remise en question du moindre élément. C'est totalement le cas de Dracula 5, dont on pourrait jurer qu'il ne forme qu'une seule et même œuvre avec son aîné, œuvre qu'un éditeur peu scrupuleux (Microïds) aura décidé de couper en deux parties sorties à moins d'un an d'intervalle pour générer plus de pognon. Le journal de l'héroïne contient même toujours les pages écrites dans l'épisode 4...!

C'est donc purement et simplement la suite de l'histoire entamée dans Dracula 4 que KOALABS nous livre ici.

Autant je trouvais que D4 constituait une intro lente mais immersive, dont je regrettais surtout la fin abrupte avant que le récit n'ait eu le temps de commencer, autant D5 passe très vite la seconde... et tombe dans le travers qui est de nous embarquer dans des enjeux hors du commun que les développeurs n'ont ni le temps ni les moyens de faire exister correctement. Soudainement on nous parle de lutte millénaire entre les disciples de Dracula et la secte de l'Ombre du Dragon, de quête pour dominer le monde, alors que l'on traverse au total seulement 4 lieux et que l'on croise 4 personnages à tout casser... D4 racontait une mission banale d'employée de musée et la rendait captivante par ses détails ; pas besoin de gros effets spéciaux, de PNJ par dizaines et de vastes décors, l'approche intimiste fonctionnait parfaitement et correspondait bien aux moyens du studio KOALABS. D5 a les yeux plus gros que le ventre ; on dit bien « qui trop embrasse mal étreint » ; D5 tente avec le budget d'un demi-vidéogiciel de niche de nous plonger au cœur d'une guerre entre sociétés secrètes... C'est impossible, c'était perdu d'avance ! Avec leurs moyens très limités et leur ambition de proposer des décors et des personnages réalistes en 3D, il est évident que les développeurs ne pouvaient que frustrer leur public. Il aurait fallu soit adopter un autre mode de représentation moins coûteux (2D par exemple), soit persister sur des enjeux intimes qui ne souffrent pas d'un nombre limité d'écrans et de persos.

Je regrette aussi que D5 annule dès la première scène le cliffhanger « hénaurme » avec lequel s'achevait D4 ; on y voyait Ellen dévoiler la peinture de Dracula et y découvrir le visage du jeune homme Adam avec qui elle avait un peu flirté au manoir de Varemby (c'était l'assistant du professeur décédé dont on cherchait la collection de tableaux). Il s'avère que ce n'était qu'un rêve, et le tableau dévoilé un peu plus tard présente Dracula avec son propre visage (qui n'est pas celui d'un perso connu). Quelle arnaque, quel manque de respect pour le public...

L'histoire, même si très maladroite dans son côté larger-than-life qu'elle n'a pas les moyens de représenter, reste prenante grâce au personnage d'Ellen Cross et à tous les détails solides établis dans D4 et qui continuent d'être amenés dans D5 ; je pense notamment à l'histoire de Dracula et de son frère, la captivité de celui-ci et comment son triste sort aux mains d'un sultan l'a amené à détester Dracula et à pousser sa femme au suicide. Tout cela est raconté via des documents ramassés et ma foi j'aime bien cet aspect mythologique qu'on découvre petit à petit. Le personnage d'Ellen Cross gagne de l'épaisseur grâce à sa relation avec Adam, qu'elle invite à coucher avec elle : c'est bienvenu.

Malheureusement, la seconde partie de D5 est brouillonne car trop d'enjeux se téléscopent pour Ellen et je ne savais plus vraiment pourquoi elle agissait. Certaines de ses connaissances ont été assassinées et un tableau volé, ce qui pourrait la faire apparaître coupable aux yeux de la justice : enjeu de prouver son innocence. Adam l'a trahie : enjeu de vengeance. L'enquête autour de Dracula la captive toujours : enjeu de curiosité. La secte l'Ombre du Dragon la prend pour cible : enjeu de survie court terme. Sa maladie empire et elle n'a plus de médicaments : enjeu de survie moyen terme. Et il y a aussi cette secte qui commet des crimes et cherche le pouvoir : enjeu de les stopper pour « sauver le monde ». Pour résumer : ça part dans tous les sens.

À la fin Ellen rencontre Dracula et lui-même énumère toutes ses probables motivations tandis qu'elle ne trouve rien à répondre. La fin du vidéogiciel achève de brouiller le personnage d'Ellen en laissant le public choisir pour elle : accepter ou refuser l'immortalité offerte par Dracula ? La narration s'est perdue en cours de route. Les deux options amènent à une fin de cinq secondes totalement expédiée et satisfaisante à environ 0%. C'est bizarre car on a alors l'impression que les développeurs n'en avaient plus rien à cirer de leur récit, alors que c'est justement tout le soin apporté au début qui nous donné envie d'aller jusque là.

Car non, les énigmes ne sont à peu près pour rien dans notre motivation... Enfin, la progression à base d'exploration d'écrans fixes et d'utilisation d'objet est toujours efficace, mais alors les énigmes... Elles ont l'apparence de mini-jeux Facebook dans leur look abstrait et sont très loin de l'univers du vidéogiciel ; extra-diégétique est un bon qualificatif et je l'ai d'ailleurs utilisé pour D4. La formule n'a pas changé ici, donc on retrouve toujours régulièrement ces séquences absurdes qui sont parfois très frustrantes dans leur difficulté. Je repense à ce moment où un passeur exige notre sang pour traverser une rivière, et cela aboutit à un mini-jeu où l'on doit répartir du sang entre trois fioles. Pourquoi trois fioles ? Combien de sang suis-je censé avoir dans chaque fiole ? Quel rapport avec le passeur, en fait ?

Ma partenaire de coop' avec qui j'ai parcouru D4 et D5 n'a pas eu la patience et a filé consulté une soluce sur internet. Seul j'aurais insisté plus mais je la comprends... C'est décourageant de bloquer sur des épreuves aussi absurdes quand on est censé vivre une histoire de personnage et qu'on était en l'occurrence plus proche que jamais du but de l'héroïne (rencontrer Dracula).

Dracula 5 a tous les airs d'un emballage des chapitres suivants de Dracula 4 que l'on aurait amputé sans scrupules pour pouvoir vendre un second vidéogiciel plein pot. Il a les mêmes défauts que son aîné, n'a pas corrigé son agaçant curseur qui ne s'actualise pas après une action mais s'avère toujours prenant dans son scénario et sa représentation visuelle magnifique. Problème, l'histoire ici s'accélère de façon totalement non maîtrisée ; l'ouvrage patiemment tricoté dans l'opus précédent est développé et conclu d'une façon exceptionnellement bâclée, comme si les développeurs avaient dû boucler leur intrigue en deux VG alors qu'ils en avaient une dizaine de prévus... Au final Dracula 5 se laisse faire sans déplaisir (sauf les énigmes), mais le sentiment de gâchis est patent.

Verdict = ok

 

Note(s)

  1. ^ Présentation officielle trouvée sur l'Apple Store

 

Galerie d'images

chic type.jpg, sept. 2022
Dracula est un chic type qui nous offre la vie éternelle à la première rencontre. Sa réputation de bad guy est vraiment surfaite.
cinématique.jpg, sept. 2022
Depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours adoré les cinématiques dans les vidéogiciels. Ce moment magique où l'univers prend vie... Et oui, j'écris toujours « Varemby » au lieu de « Vambéry », je sais.
énigme facebook.jpg, sept. 2022
Voilà le genre de mini-jeux Facebook qui font office d'énigmes dans Dracula 5... What the fuck ?
énigme nulle.jpg, sept. 2022
La fameuse énigmes des fioles de sang que j'évoquais dans mon texte. On est censé mettre un certain volume de sang, arbitraire, inconnu, dans chaque fiole. Pourquoi ? Quel sens cela a-t-il dans l'univers du VG ? En plus d'être pénible, c'est extra-diégétique au possible.
fin écran nul.jpg, sept. 2022
Merci mais j'aurais volontiers troqué cet écran de félicitations et de statistiques (beurk) pour une vraie cinématique de fin et une histoire non bâclée.
magnifique 01.jpg, sept. 2022
Je trouve les écrans souvent sublimes...
magnifique 02.jpg, sept. 2022
...il était couru d'avance qu'une petite équipe, avec un petit budget, ne pouvait maintenir ce niveau de fidélité visuelle ET raconter une histoire épique.
mythologie.jpg, sept. 2022
L'aspect mythologique, détaillé, est franchement prenant.
prod francaise.jpg, sept. 2022
De la part d'une production française, ce genre d'écrans me fait toujours grincer des dents.
progression sympa.jpg, sept. 2022
La progression dans Dracula 5 ce n'est heureusement pas que des mini-jeux Facebook. Ici on doit trouver notre chemin en relevant le niveau de radiations grâce à un compteur Geiger.
prophétie.jpg, sept. 2022
La prophétie évoquée ici promet rien moins que l’avènement d'un tyran qui soumettra l'humanité.
recyclage.jpg, sept. 2022
Cette énigme, tout comme le décor qui l'abrite, est directement recyclée de Dracula 4... Les temps sont durs !

 

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