Whispering Willows (PS4)
Par Pierre Compignie le dimanche 31 décembre 2023, 20:00 - Critiques toute neuves
Développé par : NIGHT LIGHT INTERACTIVE (Californie)
Sorti à l'origine en : mai 2014 (Europe, version Ouya)
Comment j'ai pratiqué : Terminé en 3h07, sur PS5 avec la manette Dual Shock 4. 30 images par secondes. Version 1.02. Textes en Français, pas de voix.
Bidouilles diverses : Aucune.
Dans Whispering Willows, le joueur joue le rôle d'Elena, une jeune fille déterminée qui possède l'extraordinaire pouvoir de projeter son esprit à l'extérieur de son corps. Sous sa forme spectrale, Elena peut interagir avec les esprits bienveillants et fantômes méchants qui logent dans les murs de la sinistre Willows Mansion, âmes perdues, figées dans le temps et dans l'espace, qui détiennent les secrets dont aura besoin Elena pour parcourir le vieux manoir terrifiant. Les joueurs doivent utiliser les formes corporelles et éthérées d’Elena pour surmonter les obstacles, résoudre les énigmes des spectres énigmatiques du manoir, et retrouver le père disparu d’Elena.[1]
Whispering Willows est un vidéogiciel assez court en représentation 2D avec vue de côté. Appelons-le WW. L'héroïne Elena est à la recherche de son père disparu dans un manoir. Le twist étant qu'Elena est d'origine amérindienne et que son ancètre était un shaman dont elle a hérité la capacité de voir les esprits, une certaine sensibilité pour percevoir un supposé au-delà.
La façon dont l'intrigue démarre m'a semblé un peu confuse. J'ai eu du mal à bien comprendre ce que faisait le père d'Elena au Manoir Willows, depuis quand il était là-bas et comment diable Elena a-t-elle deviné qu'il était retenu là-bas. Il faut dire que la cinématique d'intro est très rapide et ne se rend que très peu pédagogue pour nous communiquer tout cela. Un extrait de journal non traduit en Français affiche « Mansion groundskeeper goes missing » mais je ne connaissais pas le mot « groundskeeper », j'ai présumé que c'était jardinier ? Majordome ? Homme de main ? Puis on voit Elena voir en rêve son père derrière une fenêtre du Manoir, retenu par un fantôme, alors elle se lève de son lit, fait son sac à dos et part en courant de sa maison pour aller le retrouver...?
Je ne connais pas encore Elena que l'on me demande déjà d'admettre que son père a disparu depuis suffisamment longtemps pour que le journal y consacre sa une MAIS AUSSI que cette nuit, comme par hasard, elle a une vision en rêve vue depuis l'extérieur du Manoir où son père se débat contre un fantôme dans une chambre devant une fenêtre. En fait je ne savais pas dire si c'était un souvenir ou une vision. Si c'est un souvenir pourquoi n'a-t-elle pas agi plus tôt ? Si c'est une vision, par quel miracle l'obtient-elle et pourquoi semble-t-elle s'y fier sans le moindre questionnement ? Je veux dire, on en fait tous des rêves bizarres.
Bref, j'ai trouvé cette intro un petit peu raide. Par la suite je me suis vraiment demandé depuis combien de temps le père d'Elena travaillait-il au Manoir, car dans une page de son journal Elena explique que se rendre dans ces jardins avec son père et sa mère lui manque... Mais si son père vient d'accepter le boulot de jardinier, comment peut-elle connaître les jardins du Manoir ? Peut-être que je comprends mal, peut-être que la traduction est mauvaise, dans tous les cas ça a été un peu confus pour moi.
Ah et ce journal, parlons-en. C'est le même principe que dans Outlast ou Metro : Last Light. Alors que l'on ne perd jamais le contrôle de l'héroïne, régulièrement l'interface du VG nous indique qu'Elena a écrit une nouvelle page dans son journal. Ah bon. Comme ça dans mon dos ? À quel moment ? Je ne lui ai pas lâché la main une seconde !
Outre cette incohérence qui pourrait être facilement résolue en ajoutant une pause de l'héroïne et une petite animation pour la montrer écrire dans son carnet, le VG tombe aussi dans l'écueil, lui aussi pas franchement inédit, des notes qui racontent plus que ce que l'on vit manette en main, au point que l'on se demande parfois si le scénariste qui a rédigé le journal travaillait dans la même pièce que les développeurs.
Elena écrit par exemple à propos du fantôme de Flying Hawk qu'elle s'est attachée à lui et qu'elle ne sait pas comment elle va faire sans lui à l'avenir, qu'il l'a méga-aidée, etc... Alors que nous, en contrôle d'Elena, on a dû parler trois fois à Flying Hawk à tout casser... Cela donne l'impression que le journal d'Elena tente de nous vendre une histoire beaucoup plus intense, émotionnelle, marquante, que celle que l'on a vécue nous manette en main. Je remarquais cela aussi dans Assassin's Creed : Black Flag. Comme si la personne qui avait écrit l'histoire avait un certain récit en tête que les développeurs n'ont pas réussi à transcrire via le VG. Je trouve cela très maladroit, ça me perturbe.
Je n'ai pourtant pas que du négatif à écrire. La progression tout en petites énigmes pour avancer toujours plus loin dans le manoir est agréable, pas extraordinaire mais ça se laisse faire. Elena est ceci dit un peu trop lente quand elle marche, et prendre les escaliers est pénible car le VG ne reconnaît la commande (stick ou flèche vers le haut) que si l'on est exactement devant la première marche ; et alors si on termine un escalier et que l'on doit en prendre un second qui part dans l'autre sens, on se retrouve obligé à d'abord s'éloigner de l'escalier pour y revenir. C'est lourdingue, c'est une contrainte sans raison d'être.
J'ai bien aimé la représentation visuelle dans un style dessin animé. Quand Elena utilise son pouvoir pour dissocier son esprit de son corps et flotter dans les airs comme un fantôme, c'est spectaculaire à deux niveaux : d'abord à l'écran sa silhouette spectrale illumine le décor tandis que ses longs cheveux ondulent dans le vent (c'est magnifique), et ensuite à travers le son, oui, le son, car la manette Dual Shock 4, pourvue d'un haut-parleur, se met alors à diffuser une ambiance magique, éthérée, qui fait merveilleusement vivre cette « projection astrale ». C'est une exploitation à mon sens très judicieuse de cette possibilité de la manette.
J'ai bien aimé aussi un thème qui est esquissé dans le scénario : les jeunes amérindiens ont oublié les exactions des hommes blancs sur leurs ancètres. Elena évoque dans son journal que le vieux Willows n'a jamais été décrit autrement dans ses cours d'histoire que comme un remarquable entrepreneur à qui l'on doit la fondation de cette ville. Elena tombe des nues en découvrant que ce type a commis des massacres d'indiens. Il y a donc cette idée que les crimes du passé ont été progressivement effacés de l'Histoire par ceux qui les ont commis et par ceux qui ont préféré détourné leur regard ; et que les fantômes nous révèlent ce passé enfoui.
Cette dernière affirmation est hélas contestable puisque ce ne sont pas tant les fantômes rencontrés qui nous apprennent des choses, mais plutôt les documents ramassés, que visiblement tout le monde laisse traîner n'importe où... Bof bof. Je ne suis pas non plus convaincu par la fin du récit, qui amène un coup de théâtre désamorçant toute la portée historico-sociale du récit : le vieux Willows était lui-même victime d'un affreux démon. Ah bah tout va bien alors, il n'était pas vraiment méchant, on peut continuer à penser que les humains ne sont pas capables d'atrocités telles que des massacres d'autochtones...
Je n'ai pas grand chose à dire sur le challenge interactif. Il s'agit de parler aux fantômes, d'explorer les pièces et les différents lieux du domaine, à la recherche des objets qui sont surlignés en jaune dans le texte des dialogues. On est très guidé à quelques exceptions près (l'une étant le jardin d'hiver, on doit deviner qu'il s'agit d'aller fouiller là-bas du fait que l'entrée était bloquée par des ronces et que l'on vient d'acquérir un couteau). Il y a quelques moments où j'ai vite fait tourné un peu en rond mais sans plus, jamais très longtemps. Le challenge interactif me semble assez oubliable. Trouve l'objet, va le donner à un fantôme. Ce n'est jamais très dur. Le VG n'oppose que peu de résistance, il nous laisse avancer sans nous demander une grande implication ou une grande concentration ou réflexion, et encore moins de la dextérité ou des réflexes.
Whispering Willows présente bien avec ses graphismes et son animation façon dessin animé. Le scénario était prometteur avec cette thématique des massacres des amérindiens et de leur effacement dans les livres d'Histoire, et des fantômes permettant de se reconnecter à notre passé. Mais le récit ne transforme pas l'essai du tout et se renie carrément lors de sa conclusion. Le challenge interactif est sympathique mais oubliable. Je retiens l'exploitation judicieuse du haut-parleur de la manette qui nous fait frissonner quand on voyage en dehors de notre corps. La durée courte du vidéogiciel joue en sa faveur...
Verdict =dispensable| ok |vaut le coup !|énormissime
Note(s)
- ^ Présentation du Playstation Store.
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Commentaires
Merci pour cette critique efficace et drôle !