Assassin's Creed : Rogue Remastered (PS4)
Par Pierre Compignie le dimanche 23 avril 2023, 10:00 - Critiques toute neuves
Développé par : UBISOFT SOFIA (France)
Sorti à l'origine en : novembre 2014 (Europe, version PS3)
Comment j'ai pratiqué : Terminé en 53h10 en mode normal (1 sur 1), sur PS4 Pro avec la fixation dorsale de commandes[1]. 30 images par secondes. Version 1.01. Mode forcer le multi-échantillonnage[2] activé.
Créé par Ubisoft Sofia, le studio ayant développé Assassin's Creed® Rogue à l'origine, Assassin's Creed® Rogue Remastered offrira une expérience de jeu encore plus belle et immersive qui invite les fans de la série tout comme les nouveaux joueurs à découvrir ou redécouvrir les aventures de Shay à travers l'Amérique du Nord du 18e siècle.
L'épisode le plus sombre de la saga Assassin's Creed®, est désormais disponible en résolution 4K profitez de graphismes optimisés avec des foules plus denses, un environnement aux rendus plus beaux, une meilleure résolution des ombres, et plus encore !
Inclut également :
- Deux missions bonus issues de l'édition deluxe originale
- Deux packs contenant armes, tenues et équipements de personnalisation pour votre bateau
- La tenue originale de Bayek, héros du dernier opus Assassin's Creed® Origins[3]
Ce qui m'a frappé en premier avec Rogue, c'est à quel point le VG ressemble à son prédécesseur Black Flag. J'ai vu exactement les mêmes menus, la même police de caractères, les mêmes décors au présent chez Abstergo Entertainment, et bien sûr strictement le même système interactif. J'ai eu la forte impression d'avoir entre les mains et devant les yeux une grosse extension, un gros DLC, plutôt qu'un nouveau projet... Mais j'ai fini par passer par outre, sans doute car l'histoire, les personnages et les décors sont inédits – même si on partage toujours son temps entre l'océan et la terre ferme. C'est heureux que j'ai pu oublier cette impression car quand elle persiste, c'est comme si je voyais l'envers du décor et que j'avais déjà en tête tout ce que les développeurs étaient susceptibles de me faire vivre, ce qui casse tout à fait l'immersion.
Le scénario est intriguant sur le papier : pour une fois on dirige un Templier et non un Assassin. En fait c'est un peu plus compliqué : Shay est initialement un Assassin, mais il quitte à un moment donné la Confrérie et se retrouve à traquer ses anciens compagnons d'arme pour le compte des Templiers, qu'il finit par rallier à 100%.
C'est très original pour la saga... Mais j'ai été peu convaincu ou captivé. Assassin's Creed se contente souvent de nous faire vivre les « moments-clefs » de la vie d'un personnage, sans vraiment de souci de liant entre les chapitres. Je trouve qu'il n'y a pas de suspense ou d'enjeu construit sur la durée. Le personnage de Shay n'est pas inintéressant ; c'est quelqu'un d'assez rustre, impulsif, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Aussi quand une mission des Assassins le rend responsable d'un accident au Portugal entraînant la destruction de la ville, son sentiment de culpabilité le fait tout remettre en question et tout envoyer en l'air, c'est-à-dire, sa vie parmi les Assassins. Alors qu'il aurait pu se borner à mettre en garde les Assassins pour ne pas reproduire la catastrophe, et pourquoi pas œuvrer au sein de la Confrérie au respect des temples des Précurseurs (c'est en violant leur temple à Lisbonne que Shay a déclenché un terrible séisme), Shay préfère les trahir et ensuite les traquer et les tuer jusqu'au dernier. Mouais. Il rejoint les Templiers qui apparaissent alors comme les parfaits gentils de l'histoire... Il y a une volonté d'apporter de la nuance qui va trop loin dans l'autre sens et fait des Assassins des méchants. Je pense qu'il y avait moyen d'écrire une tragédie bien plus implacable pour le personnage de Shay, et de nuancer la guerre Assassins versus Templiers sans pour autant faire passer les Templiers pour les gentils qu'ils n'ont jamais été. Je me suis senti manipulé et je n'aime pas vraiment ça.
Le récit est extrêmement linéaire : Shay tue les Assassins de son ancienne Confrérie un par un jusqu'au générique, sans problème majeur ni rebondissement. Cela n'a vraiment rien d'incroyable ou de passionnant. D'ailleurs ce qui me gêne beaucoup dans cette série, c'est à quel point n'importe quel personnage, peu importe comment sa caractérisation dans le scénario en a fait une force de la nature, devient chétif et vulnérable à partir du moment où l'on incarne celui qui doit le tuer. Je pense bien sûr au moment où Shay, contrôlé par nous, assassine Adéwalé, le héros du Prix de la Liberté. Adéwalé est un Assassin présenté comme légendaire dans Rogue, et nous-mêmes avons l'expérience de lui comme d'une machine à tuer inarrêtable puisqu'on l'a contrôlé dans Prix de la Liberté. Pourtant son assassinat alors qu'on incarne Shay est d'une facilité déconcertante ; c'est comme si Adéwalé se laissait tuer, avait perdu toute volonté.
Cela génère une impression terrible qui casse toute croyance dans le récit : n'importe quel personnage, à partir du moment où on l'incarne, devient le plus fort de l'univers Assassin's Creed pour le temps où on l'incarne. Pas seulement le plus fort, je dirais carrément : invincible. Le scénario a beau nous confronter à des adversaires supposés grandioses, le système interactif les rend aussi faciles à défaire que des fétus de paille. Ce problème n'est pas inédit dans la saga, mais il prend d'autant plus d'importance ici où le challenge consiste à affronter des Assassins censés être surpuissants, mais qui concrètement nous opposent autant de résistance que n'importe quel soldat de base.
J'ai beaucoup apprécié les décors et l'environnement de Rogue. C'est l'Atlantique Nord, ce sont les paysages je pense du Canada enneigé, le Grand Nord. Il y a de la banquise, des terres blanches, mais aussi de la végétation luxuriante plus au Sud. J'ai trouvé ça magnifique et c'est le monde que j'ai préféré parcourir de toute la saga jusque là.
Après, je ne peux m'empêcher de rêver à ce qu'un développeur comme ceux de Death Stranding ou de Subnautica pourraient produire comme expérience d'exploration dans un tel contexte, avec la force de frappe graphique d'Ubisoft. Car ce qui est terrible avec Ubisoft, c'est leur frilosité à cesser de prendre leur public par la main ; leur terreur à nous perdre ne serait-ce qu'une seconde quand on pratique leurs vidéogiciels. À tout instant une dizaines d'icônes nous donnent des lieux ou missions à rejoindre. On n'est jamais là, au milieu de la nature, à se demander où aller et ce qui nous attend. Jamais. Assassin's Creed est une expérience 100% balisée, qui ne laisse aucune place à la contemplation, à l'exploration ou au questionnement. On cotoie pourtant des colons venus d'Angleterre qui tentent de construire une nouvelle vie sur une terre vierge, mystérieuse et luxuriante, mais on ne partage pas du tout leur expérience grisante, fascinante et effrayante à la fois. Assassin's Creed se borne à des missions scénarisées sur rails et à une collecte d'objets marqués sur GPS ; c'est sa limite.
Dernier point : j'ai tout fait à 100%, sauf quelques coffres à New York et dans les lieux non répertoriés que je n'ai pas pris la peine de ramasser, et j'ai aussi laissé tomber la dernière « bataille navale légendaire » ; elle m'a semblé extrêmement dure et je n'ai pas eu l'envie de chercher une technique pour la remporter. On y affronte un navire avec une immense de barre de vie, qui nous tue très vite. Je pense qu'il faut arriver à rester sur ses 5h (imaginez le cadran d'une horloge) et assez près de lui, puisque c'est en quelque sorte son angle mort où il ne peut pas nous attaquer. Mais arriver à maintenir cette position le temps de descendre toute sa barre de vie au mortier, c'est loin d'être évident, d'autant que sur la fin deux ou trois vaisseaux viennent l'aider.
J'ai apprécié Rogue pour sa représentation du Grand Nord américain car c'est un environnement qui me fait rêver par ses grands espaces glacés et inhospitaliers. J'ai accepté de prendre part à sa collection d'objets facultative sur une cinquantaine d'heures, une activité qui n'a rien de pasionnante mais qui s'est laissée faire à ce moment de ma vie, sans doute grâce à la beauté du décor et à la taille restreinte du monde à parcourir – encore trop grand ceci dit pour ce que nous avons à y faire. L'histoire est plus courte que celle de Black Flag mais pas franchement mieux construite. Au moins le héros, un traître émotif, est-il original par rapport aux figures héroïques de la série, mais le scénario échoue à lui rendre la monnaie de sa pièce et à bâtir sur sa trajectoire une tragédie digne de ce nom. Le VG, construit sur le modèle de Black Flag, ne s'affranchit pas des limites connues de la saga.
Verdict = ok
Note(s)
- ^ J'ai affecté sur le bouton droit la touche R2 servant à courir. Le bénéfice est considérable car on court quasiment en permanence, et sur cinquantes heures, maintenir R2 avec mon index ou mon majeur m'aurait sans doute causé des douleurs. Au contraire, le bouton droit de la fixation repose sous la position naturelle du majeur, donc la maintenir enfoncée est aussi simple que de tenir la manette. Un don du ciel.
- ^ C'est une fonctionnalité système de la PS4 Pro. C'est utile seulement sur certains vidéogiciels, et seulement pour les gens comme moi qui ont encore un téléviseur Full HD et non 4K. En fait certains vidéogiciels tournent avec une résolution 4K sur PS4 Pro (pas sur PS4 standard), et parmi ceux-là, certains (un peu mal foutus) n'activent leur mode 4K qu'avec les écrans compatibles 4K et se bornent à générer une image 1080p pour les écrans Full HD. Cela pourrait sembler logique, et ça le serait d'ailleurs si l'on ne considérait pas les bénéfices du multi-échantillonnage. Le multi-échantillonnage permet en gros d'embellir une image en 1080p en la générant au préalable en 4K. L'image 1080p finale apparaît alors plus fine, avec moins d'aliasing. Plein de vidéogiciels sur PS4 Pro font cette manœuvre eux-mêmes, mais certains, comme ASSASSIN'S CREED : ROGUE, ne le font pas. Cela veut dire que les utilisateurs avec un écran Full HD ne tirent aucun bénéfice de faire tourner le logiciel sur PS4 Pro plutôt que sur PS4 standard. C'est là qu'intervient une fonctionnalité système de la PS4 Pro qui est de justement forcer le multi-échantillonnage, c'est-à-dire faire croire au vidéogiciel qu'il est connecté à un écran 4K afin qu'il génère une image 4K, et c'est la console ensuite qui se charge de ramener l'image à la résolution de l'écran Full HD, en conservant évidemment une partie de sa finesse au passage. J'ai testé avec et sans le mode activé et j'ai bien vu la différence. Notons que cette fonction n'existe tout simplement pas sur PS5 ; j'ai donc tout intérêt dans mon cas à pratiquer les vidéogiciels tels que ROGUE sur ma PS4 Pro plutôt que sur ma PS5, tant que j'utilise toujours mon écran Full HD.
- ^ Présentation du Playstation Store.
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Commentaires
A"près, je ne peux m'empêcher de rêver à ce qu'un développeur comme ceux de Death Stranding ou de Subnautica pourraient produire comme expérience d'exploration dans un tel contexte, avec la force de frappe graphique d'Ubisoft."
Tellement vrai. Et du coup un peu rageant aussi :<
Chouette ta nouvelle présentation avec les notes, j aime bien !
Et belle critique bien étoffée !