The Park (PS4)

Développé par : FUNCOM (Norvège)

Sorti à l’origine en : octobre 2015 (Europe, version PC)

Comment j’ai pratiqué : Terminé en 2h14 (2 sessions) sur PS5 avec la manette Dual Shock 4. 60 images par secondes. Version 1.03. Textes en Français et voix en Anglais, avec sous-titres.

Bidouilles diverses : J’ai affecté le bouton L3 sur la palette gauche de la fixation dorsale de commande.

The Park se déroule dans un parc d’attractions qui cache un bien noir secret. Il prend la forme d’un jeu d’horreur psychologique à la première personne d’une durée d’une à deux heures, qui se concentre sur l’histoire et l’exploration plutôt que sur le combat et l’action.

Une journée comme les autres au parc d’attractions… un ours en peluche perdu… un enfant disparu. Alors que le soleil se couche sur l’Atlantic Island Park, vous allez devoir explorer ses attractions décrépites pour retrouver votre fils Callum. Préparez-vous à plonger dans la terreur et la paranoïa dans une histoire concoctée par une équipe de conteurs primés.

  • Explorez l’Atlantic Island Park et profitez d’attractions comme la grande roue, les auto-tamponneuses ou le grand huit. Mais attention, certaines d’entre elles n’en font qu’à leur tête…
  • Appelez Callum et interagissez avec votre environnement tout en cherchant des indices et en écoutant la voix intérieure de Lorraine au fil de la partie.[1]

Je comptais initialement pratiquer la version PC sur mon Steam Deck car elle m’attendait depuis longtemps dans ma bibliothèque numérique. Et puis j’ai vu récemment la version PS4 en promo sur le Playstation Store pour une bouchée de pain. J’ai constaté l’absence de support vibration de la manette sur l’encyclopédie des VG PC (PC Gaming Wiki) et cela m’a décidé à me procurer la version PS4. Même si le Playstation Store n’indique pas le support des vibrations, j’ai été agréablement surpris de découvrir que les développeurs l’ont bel et bien implémenté : la manette tremble lorsque l’héroïne a peur, reproduisant les battements de son cœur (je crois). Sympa ! Au passage, j’en conclus donc que le Playstation Store n’est absolument pas fiable pour ce qui est de signaler les fonctionnalités des titres ; précédemment Kholat était marqué comme vibrant, ce n’était pas le cas, Lifeless Planet ne l’était pas et pourtant vibrait bien, à l’instar de The Park. Bref, à moins de tester soi-même, impossible de savoir à l’avance si la Dual Shock 4 vibrera. C’est quand même bête puisque les développeurs devraient afficher crânement le fait qu’ils ont dépensé temps et énergie à implémenter une fonction typiquement « console » à leurs portages de VG PC, ils devraient en faire un argument marketing ? Mais non.

The Park est un vidéogiciel au challenge interactif assez limité. Il est classé dans la catégorie (que je renie) des « simulateurs de marche », à l’instar de Dear Esther que j’ai parcouru récemment. Par rapport à ce dernier, je me suis senti plus actif parce qu’il y a des documents à lire éparpillés dans le décor et j’avais envie d’en examiner le plus possible, afin de comprendre ce qui tourmente l’héroïne Lorraine ainsi que le passé du parc. À part ce petit défi permanent d’ouvrir bien les yeux à la recherche d’objets interactifs à consulter, notre participation se limite à déplacer Lorraine, en marchant ou en courant, comme on préfère, le long du chemin unique autorisé par les développeurs. Le parc a ceci dit le mérite d’être un seul et même niveau (sauf la « maison de l’horreur » dans laquelle on entre à la fin) donc l’environnement a une cohérence géographique que je trouve assez rarement dans les VG.

Je faisais une comparaison avec Dear Esther ; poursuivons-la. L’histoire est bien plus « concrète » ici, ce qui n’est pas difficile étant donné que les monologues du narrateur dans Dear Esther était plus de la poésie qu’autre chose. Lorraine cherche son fils dans ce parc d’attraction abandonné, mais en même temps, je n’avais pas l’impression d’être dans le réel… Il y a des signaux contradictoires. La présentation du VG parle « d’horreur psychologique » ; autant dire tout de suite « votre protagoniste a commis un acte terrible et s’en veut à mort et vous allez le voir expier ses péchés dans une succession d’hallucinations horribles », ce qui est un cliché absolu, éculé, du vidéogiciel horrifique, que j’appelle aussi « fantasmagorie de culpabilité ». Je l’ai senti également dès le premier monologue de l’héroïne qui donne quelque chose comme : « dans ma tête, dans mes rêves, je retourne toujours à Atlantic Island Park », ce qui me semble être une resucée de l’introduction de Silent Hill 2 (le pape de la fantasmagorie de culpabilité, grâce auquel on en mange maintenant à toutes les sauces, à tous les coins de rue) et qui m’a d’emblée fait douter énormément du degré de réalité de l’aventure.

Pour autant, The Park nous laisse consulter des documents n’ayant pas grand-chose à voir avec Lorraine et relatant des événements troublants liés au parc d’attractions. Un certain Steve, qui endossait le costume de Chad l’écureuil, s’est transformé en assassin d’enfants ; le constructeur du parc, un certain Nathaniel Winter, n’avait de cesse d’explorer les profondeurs du terrain, persuadé d’y trouver une énergie sombre qu’il entendait recueillir et exploiter on ne sait trop comment ; les accidents malchanceux se sont multipliés ; les visiteurs et les employés sentaient leur joie de vivre les abandonner quand ils se trouvaient dans le parc.

Il semble donc y avoir un vrai mystère autour de ce parc, indépendamment de la psyché tourmentée de l’héroïne.

Mais le VG se borne à nous faire vivre le cauchemar fiévreux d’une âme coupable. Donc on a des monstres qui apparaissent et disparaissent, des hallucinations par dizaines, etc, etc. C’est un tour de train fantôme, un peu comme Layers of Fear qui m’était tombé des mains ; The Park a au moins pour lui un beau décor cohérent en extérieur et (un peu) plus de rationnalité à laquelle me raccrocher.

Les thématiques sont assez dures ; on parle de dépression, de maternité extrêmement difficile, de tentatives de suicide, de deuil, d’infanticide, d’enlèvement… Mais tout cela est empilé n’importe comment et, à mon sens, ne dépasse pas le stade du train fantôme. Je veux dire, chaque monologue de l’héroïne où elle évoque un nouvel épisode désespérant de sa vie, s’inscrit moins dans une histoire cohérente que dans une volonté de choquer en poussant les curseurs du malaisant. Il n’y a pas d’évolution du personnage, de progression de sa psychologie ; on nous présente juste pendant deux heures un aperçu sordide de sa vie de merde, et on a à la fin la confirmation que tout cela n’était qu’une rêverie, d’une part, et qu’on ne sait toujours pas où est son fils mais qu’il est quand même très probable qu’elle l’ait zigouillé.

Bref, tout ce dispositif pour moi c’est complètement gratuit et inopérant. Sans compter que ce genre d’histoire place la (simili, dans notre cas) confirmation de culpabilité à la toute fin comme le clou du spectacle, alors que c’est un lieu commun, qu’on le voit très vite venir et que c’est ensuite laborieux de le rejoindre. Il n’y a ici aucun effort de s’affranchir du stéréotype, de subvertir les attentes ; juste l’application consciencieuse de la recette connue (qui personnellement me sort par les yeux), avec un supplément de glauquitude dans les thématiques.

Je ne suis donc pas du tout fan de la proposition de The Park. C’est dommage car l’environnement est assez chouette et les pistes d’une abomination toute lovecraftienne sont là. Mais voilà, les développeurs ont joué la carte d’une énième fantasmagorie de culpabilité façon Silent Hill 2 comme si c’était un horizon indépassable auquel il faut forcément aspirer, et moi j’en ai plus que marre de revivre indéfiniment le même récit dont les tenants et aboutissants sont cramés dès la cinématique d’introduction. J’appelle les développeurs à mettre un bon coup de pied dans la fourmillière et à nous créer de nouvelles histoires, maintenant.

Bon évidemment le VG est sorti en 2015 et aucun développeur ne lit mon blog… Mais pas grave : c’est dit !

Une énième fantasmagorie de culpabilité, comme on en produit à la pelle dans le genre de l'horreur interactive, hélas, et qui n'a de cesse d'enfoncer des portes ouvertes. Les développeurs ont pourtant soigné leur parc d'attractions, en (petit) monde ouvert, et l'héroïne bénéficie d'une représentation physique étonnamment poussée pour un titre en vue à la première personne.
Verdict = dispensable | ok | vaut le coup ! | énormissime

 

Note(s)

  1. ^ Présentation du Playstation Store.

 

Galerie d’images

01
Les développeurs nous accueillent dans leur œuvre en tentant de faire de l’esprit. Notez que je n’ai noté aucune altération de commande au cours de ma progression, si ce n’est le classique blocage de la course (dit « marche forcée ») à l’occasion de certains monologues.
02a
Un instant j’examine ce cadavre par terre ; je me retourne, et…
02b
…cette horrible chose était derrière moi ! Gros sursaut.
03a
La promenade dans le parc est l’occasion pour Lorraine d’une introspection. Elle se remémore ici la mort de son compagnon…
03b
…et là son rapport conflictuel à la maternité.
04a
Le parc est situé dans un décor naturel de toute beauté, qui rappelle l’Oregon ? Forêts, lacs…
04b
Très tôt on passe devant la « maison de l’horreur » mais sans pouvoir y pénétrer, faute de lumière. On fera le tour complet du parc avant de retomber dessus, cette fois équipé d’une lampe torche. Une sorte de retour à la case de départ, mais qui nous entraîne vers la conclusion de l’aventure.
05
Quand on crie avec le bouton rond de la manette, Lorraine appelle son fils et cela a pour effet de mettre visuellement en évidence les éléments interactifs dans notre environnement. En fait cela les marque par une espèce de bulle, assez étrange ; vous pouvez en voir un exemple ici, au milieu de l’écran. On passe donc son temps à crier pour appeler Callum, sauf que c’est plus dévoiler les documents à consulter, étant donné le caractère illusoire de la recherche du fils (puisqu’il suffit de suivre l’unique chemin possible).
06a
Un truc que j’adore dans les VG à la première personne, c’est quand on peut voir notre perso dans les miroirs. C’est le cas ici…
06b
…mais on découvre aussi Lorraine dès le début de l’aventure, dans une cinématique sur le parking du parc…
06c
…et on peut à tout moment voir son corps et son ombre en baissant notre regard. Lorraine est donc bien mise en scène physiquement, ça fait plaisir.
07
Ce n’est pas la première fois que je vois cette bizarrerie graphique dans les VG qui tournent avec le moteur Unreal. Dans la partie haute de la flaque d’eau le monde se reflète, mais pas dans sa partie basse, avec une séparation horizontale très nette qui bouge en fonction de l’orientation de la caméra… Je trouve cela très moche mais ce n’est pas la première fois que je le vois, c’était là aussi dans GRAVEYARD SHIFT. Note après recherche : il s’agit du procédé « Screen Space Reflection » qui génère les reflets seulement de ce qui est visible à l’écran… D’où l’énorme portion de ciel non reflétée dans la flaque !!
08
La « maison de l’horreur » nous fait traverser la même succession de pièces plusieurs fois, en augmentant à chaque fois leur délabrement et leur « glauquitude »… On finit donc par voir une poupée dans un four.
08a
Les documents ramassés peuvent être durs et violents. Ici le récit d’un témoin ayant assisté à un meurtre d’un ado. Apparemment le parc d’attraction était comme maudit, certains gens devenaient dingues, les accidents malchanceux se multipliaient, etc…
08b
…et visiblement c’est sur cette « énergie obscure » que le constructeur du parc voulait mettre la main. C’est l’auteur du document ci-dessus. Il y a un côté Lovecraft avec cette idée d’un mal ancien qui imprégnerait les profondeurs du terrain… D’autant que les clins d’œil ne sont pas rares, on découvre un courrier d’un Docteur Dunwich par exemple.
09
La cinématique de fin voit l’héroïne poignarder son propre enfant (hors-champ), avec ses gestes guidés (mais pas imposés) par cette espèce de croque-mitaine derrière elle. Faut-il comprendre que le maléfice du parc met en exergue ce qu’il y a de plus sombre en nous ? Je trouve que l’histoire ne tranche pas vraiment entre la chronique lovecraftienne et une « fantasmagorie de culpabilité » tristement éculée.

 

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