Call of Duty : Black Ops (Xbox 360)
Par Pierre Compignie le dimanche 30 mars 2025, 14:00 - Critiques toute neuves
Développé par : TREYARCH (Californie)
Sorti à l’origine en : novembre 2010 (Europe, version Xbox 360)
Comment j’ai pratiqué : Terminé en mode de difficulté normal (2 sur 4) sur Xbox 360 avec la manette 360 et l’aide à la visée désactivée. 60 images par secondes. Mise à jour « title update #11 » installée. Textes et voix en Français, sans sous-titres (inexistants).
Bidouilles diverses : Aucune.
Call of Duty®: Black Ops vous entraîne derrière les lignes ennemies dans un monde d’opérations confidentielles. Incarnez un membre des Forces spéciales d’élite engagé dans une guerre clandestine, des missions secrètes et des conflits à l’échelle internationale. Équipé d’un arsenal d’armes et d’équipement exclusifs, vous ferez pencher la balance au cours de la période la plus critique que l’humanité ait jamais connue.
Black Ops vous propose :
• une campagne et un scénario épiques qui vous tiendront scotché sur votre siège du début à la fin.
• le fameux mode multijoueur propre à Call of Duty, avec une personnalisation des personnages encore plus poussée et de tout nouveaux modes comme les matchs à paris, le studio et la formation avancée, à essayer seul ou en coopération.
• des zombies ! Massacrez des morts-vivants pour de longues heures de plaisir brut, seul ou avec vos amis.[1]
J’ai radicalement changé de registre avec Call of Duty : Black Ops, ou CODBO si vous me permettez. Récemment j’étais plutôt exclusivement dans des vidéogiciels de type aventure / réflexion, assez cools, paisibles en terme d’ambiance et à peu près parfaitement non violents.
J’ai souhaité ressortir ma Xbox 360 du placard, surtout pour essayer une manette 360 sans fil que je n’arrive plus à utiliser sur PC car elle ne se recharge plus. Je voulais voir si j’arrivais à la recharger en la branchant à la machine pour laquelle elle a été conçue, ou au moins à l’utiliser. À cette occasion, je me suis dit que j’allais en profiter pour parcourir un VG de ma liste sur cette machine, et j’ai jeté mon dévolu sur CODBO, un FPS court et spectaculaire.
Ma manette ne s’est pas rechargée mais le fait de la connecter à la Xbox 360 permet au moins de l’utiliser avec le câble branché en permanence – mieux que rien.
Et CODBO dans tout ça ? Et bien c’est un vidéogiciel vraiment très violent. Bon cela peut paraître évident pour un FPS – le but affiché étant quand même de nous faire tirer à l’arme à feu sur des centaines de gonzes – mais je trouve ça encore plus « remarquable » ici du fait de la scénarisation et de l’enrobage cinématographique extrêmement développés. On donne des noms, des tirades, des visages et des expressions à des types qui passent leur temps à massacrer d’autres humains sans sourciller, voire en y prenant du plaisir… En tout cas, aussi bien la mise en scène que les personnages eux-mêmes semblent trouver beaucoup de satisfaction à orchestrer des tueries massives et de toutes sortes : au couteau, au fusil à pompe, au missile, à la mitrailleuse lourde, à pied, en hélicoptère… Il y a une volonté manifeste de montrer l’agression et la boucherie, mais aussi – et cela me gêne – de « normaliser » ces dernières puisque ce sont de « vrais » humains qui en sont les auteurs (les personnages étant correctement caractérisés) et qu’en plus ils sont « gentils », c’est-à-dire dans le camp du bien commun (il s’agit d’empêcher la propagation par des criminels d’un gaz neurotoxique atroce sur des populations civiles).
J’ai plutôt apprécié le divertissement cathartique de tirer sur des ennemis, de triompher d’eux, que ça saigne, etc. Ça m’a défoulé, ça m’a permis d’exprimer mon agressivité sans faire de mal à personne. De ce point de vue, CODBO a « fait le job », même si pas aussi bien à mon sens qu’un Killzone 2 et j’y reviendrai. Mais je reste assez mal à l’aise de partager le point de vue d’aussi gros psychopathes que les héros de CODBO, sans que la fiction ne traite la problématique de la gravité de leurs actes ni n’opère suffisamment de mise à distance pour que je ne prenne pas cette violence au pied de la lettre.
La mise à distance peut s’opérer de plein de façons. L’univers SF de Killzone 2 met à distance la violence. Le ton satirique de Urban Chaos : Violence Urbaine ainsi que son héros sans caractérisation participent de la déréalisation. À l’inverse dans CODBO je ne peux pas m’empêcher de voir les traits pathologiques et sociopathiques de personnages en apparence réels et qui pourtant ne sont jamais questionnés dans leurs agissements dans l’univers de fiction très semblable au nôtre. Cela me donne un sentiment dérangeant de banalisation, de normalisation voire de légitimation d’une grande violence interpersonnelle qui n’est pas dite et reconnue comme telle.
Paradoxalement, CODBO répond à la critique que j’ai formulée à l’égard de tous les Call of Duty que j’ai pratiqués par le passé, sur le mutisme de leurs héros, que je trouvais absurde et anti-immersif. Ici ce n’est plus le cas, Alex Mason a un visage et une voix ; « victoire » serais-je tenté de crier, sauf que la caractérisation poussée du héros accentue peut-être encore plus le malaise par rapport à la violence qui s’étale à l’écran… Violence tout de même déjà présente et dérangeante dans les trois épisdes de Modern Warfare.
Les Call of Duty modernes se sont absolument vautrés dans la vague d’anti-héroïsme que l’on a pu constater dans la fiction américaine depuis peut-être la série 24 Heures Chrono. Cette dernière – que j’ai adorée – a ouvert la voie à des personnages moralement ambigus, œuvrant pour le bien commun mais pas toujours « bons » eux-mêmes au sens chrétien du terme… Jack Bauer pouvait ainsi user de la torture pour obtenir des informations cruciales dans le but de prévenir un attentat, ou encore abattre de sang-froid un criminel par vengance ou même simple exaspération (voire la défenestration « gratuite » de la terroriste dans la toute dernière saison).
Quand je dis que les COD modernes se sont « vautrés » dans la vague, j’entends par là qu’ils se complaisent dans la mise en scène de personnages qui vont bien au-delà de Jack Bauer en terme de déchéance empathique, et qu’en plus, leur « barbarie », car on peut sans doute l’appeler comme ça, n’est pas questionnée, pointée du doigt, prise en compte de façon satisfaisante dans l’univers de fiction. Rappelons que Jack Bauer a fait l’objet d’un procès dans la saison 7 de 24 Heures Chrono et que ses « méthodes » choquaient régulièrement jusqu’à ses plus proches alliés… Jack Bauer restait « transgressif » dans son univers, là où les héros de COD semblent « normaux » dans leur monde ; voilà ce qui me pose problème.
En résumé, quand une fiction affiche une psychologie poussée et des personnages réalistes que l’on prend au sérieux, je pense qu’elle ne doit pas faire l’impasse d’une prise en compte appropriée de leurs actes de violence dans son scénario. C’est notamment ce qui m’a gêné dans les séries Uncharted (le héros gentil comme tout en cinématique assassine à tour de bras dès qu’on prend la manette) et The Last of Us (il faudrait y consacrer un article entier).
Sur la réussite de CODBO en tant que FPS « défouloir » ? Je suis partagé.
Je trouve les effets gores lorsque l’on tire sur les ennemis assez réussis et (cruellement) satisfaisants. Les membres sont arrachés dans une explosion de sang et de petits morceaux lorsque l’on tire à gros calibre sur un bras ou une jambe – cela fait son petit effet ! Pour autant, les animations n’ont pas la souplesse, la fluidité, la beauté et le réalisme physique de celles de Killzone 2, qui pour moi est le mètre étalon en la matière – largement le FPS le plus jouissif de tous les temps en terme de réactions physiques des ennemis aux impacts de balle.
CODBO ne nous autorise jamais à désactiver son réticule composé de quatre traits blancs dynamiques (rouge quand on vise un ennemi), même en mode difficulté « vétéran » (4 sur 4) ; cela me gêne. Je trouve que les réticules constituent un réel frein à l’immersion dans un FPS, une « barrière » entre moi et l’action, qui ne cesse en plus de me dire que je tire n’importe où, ce qui est assez frustrant…
Car oui la particularité de la série Call of Duty c’est que les armes sont très imprécises et que dès qu’on tire en automatique la dispersion des projectiles est extrême – ce qui est illustré par les quatre traits du réticule s’éloignant les uns des autres…
Pour être efficace, on est contraint de coller l’arme contre son visage pour regarder (en zoomant) à travers sa mire métallique ou sa lunette ; à cette seule condition l’arme devient-elle un tant soit peu « fiable » dans sa précision… Évidemment cette action ralentit considéablement le mouvement et réduit tout autant le champ de vision ; pour faire simple, on est à l’arrêt et on concentre notre regard sur une zone très limitée de l’environnement.
Ce n’est pas un style d’interaction que j’apprécie pour les FPS. Moi ce que j’aime c’est courir dans tous les sens, bien voir l’action, bien voir mon environnement, devoir être précis en mouvement et que mes armes tirent effectivement vers là où je vise.
La série COD nous contraint à expérimenter le combat à travers un zoom étriqué, avec une arme prenant le tiers de l’écran et bien souvent masquant une partie des corps ennemis. Pas l’approche que je préfère, du tout !
Alors on peut de temps en temps tenter de progresser en mode dynamique, sans se mettre la canon devant la figure ; quand par exemple on dispose d’une arme puissante à courte portée, comme un fusil à pompe ou un pistolet mitrailleur, et que bien sûr les ennemis sont proches de nous… Mais c’est assez rare et le VG nous handicape sévèrement avec la dispersion abusée des armes automatiques. En choisissant de pratiquer ainsi, on s’ajoute une difficulté supplémentaire (il y a d’ailleurs un trophée pour terminer un certain niveau avec uniquement des doubles pistolets, avec lesquels justement on ne peut pas « zoomer », et ce n’est vraiment pas de la tarte) – là où dans un Killzone 2 cette démarche semble au contraire encouragée.
Les objectifs sont parfois un peu obscurs. Contrairement aux vieux FPS classiques, le but n’est pas nécessairement de tuer tous les ennemis à l’écran. Parfois c’est le cas, parfois il s’agit juste d’arriver à progresser jusqu’à un certain point sur le champ de bataille pour qu’un script se déclenche, que nos alliés avancent et que les ennemis cessent de réapparaître – sans quoi on aura beau en tuer 500 il en reviendra toujours. Le problème étant que le VG n’est pas limpide sur ce qu’il attend de nous, et cela m’est arrivé de tuer, tuer, tuer plein d’ennemis, sans voir le scénario avancer, parce qu’en fait une action particulière était nécessaire.
Dans COD on progresse à peu près tout le temps avec une escouade qui nous dit quoi faire et qui tue elle-même une partie des ennemis. C’est donc une expérience un peu con-con où l’on se contente à chaque instant soit de tirer, soit faire exactement ce que l’on nous dit de faire ! On a vu challenge interactif plus engageant.
Reste que l’aventure est particulièrement spectaculaire. Les courses-poursuites et les explosions sont légion. L’histoire est prenante avec un certain suspens : au présent Alex Mason est interrogé par une voix méchante dans une pièce avec des téléviseurs sur lesquels s’affiche son visage tuméfié par les coups. On déroule le fil de son passé et les missions sont donc des flash-backs, qui vont nous expliquer comment en sommes-nous arrivés là. Il y a toute une intrigue à base de lavage de cerveau et de conditionnement mental avec des nombres, qui m’a rappelé les deux films un crime dans la tête. On revisite aussi des événements connus de l’histoire géopolitique des États-Unis, notamment l’assaut de la Baie des Cochons ; on rencontre des figures historiques comme JFK…
On passe cependant trop vite d’une mission à l’autre ; on est catapulté d’une région du monde à une autre avec très peu de transition, sans nous dire ce qu’a fait le perso entre-temps, le travail d’enquête qu’il a fallu pour récolter les infos… Tout est très superficiel, on est catapulté dans les différentes scènes d’action ayant un lien avec l’intrigue et on ne doit pas se poser plus de questions.
Cette impression est accentuée par l’horrible mixage sonore qui m’a rendu de nombreux dialogues inaudibles. J’en suis venu à baisser le volume de la musique au maximum et celui des effets sonores de moitié. Il subsistait des bizarreries comme les communications radio beaucoup trop fortes par rapport aux voix « en direct », et puis surtout, ces réglages n’ont aucun effet sur les cinématiques de transition entre les chapitres ; donc bah pour celles-ci aucune solution, j’ai juste compris un quart de ce qui se disait :-/ tellement les voix sont recouvertes de musique grandiloquente et d’effets sonores tapageurs.
Ah et puis cerise sur la gâteau : pas de sous-titres en Français ! Alors qu’en plus, sauf erreur, il y en a bel et bien en Anglais…
Ce Call of Duty par le studio TREYARCH a pour lui une intrigue dans l'ambiance guerre froide années 60 plus surprenante et efficace que celles des épisodes Modern Warfare par INFINITY WARD et un système d'effets gores assez jubilatoire. La partie FPS fait un job passable, qui a su me défouler. Le rapport de cette fiction à la violence qu'elle met en scène me semble cependant problématique, en ce qu'elle tend à banaliser humainement des actes monstrueux.
Verdict =dispensable| ok |vaut le coup !|énormissime
Note(s)
- ^ Présentation du magasin Xbox.
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Commentaires
Très intéressante critique notamment sur le traitement de la violence dans le VG, j’ai appris beaucoup de choses aussi sur le FPS. Merci pour ces partages toujours aussi vivants et passionnants!