Sagebrush (PC, PS4)

Développé par : REDACT GAMES (Michigan)

Sorti à l’origine en : septembre 2018 (Europe, version PC)

Comment j’ai pratiqué : Terminé en 1h45 (une session) sur Steam Deck avec la manette 360. 50 images par secondes. Version 1.43. Textes en Français et voix en Anglais, avec sous-titres.

Bidouilles diverses : Aucune.

Inspiré par des sectes du monde réel, Sagebrush est un jeu d’aventure narratif à la première personne qui plonge les joueurs dans le rôle de chercheurs de vérité qui doivent enquêter sur l’énigmatique secte du Paradis Parfait.

Au Nouveau Mexique, les joueurs vont explorer le ranch Black Sage, l’ancienne demeure de Father James, le vénéré prophète de la secte du Paradis Parfait, afin de découvrir la vérité.

Caractéristiques :
• Un monde en 3D Lo-Fi immersif
• Un immense complexe à explorer
• Une bande-son captivante
• Un scénario inspiré de sectes apocalyptiques du monde réel[1]

Le vidéogiciel commence par ce monologue, alors que nous roulons en voiture sur une route déserte :

J’ai tout d’abord rencontré Anne, en attendant le bus. En général, j’évite de parler à n’importe qui, mais elle a entamé la conversation. Elle était gentille et si confiante. Elle m’a souri comme si elle me connaissait depuis des années et que nous étions en train de rattraper le temps perdu. Elle m’a dit qu’elle pouvait voir que j’avais un vide dans ma vie. Qu’elle savait ce que c’était. Qu’elle avait elle aussi été dans ce cas, mais que ce vide avait été comblé. Je lui ai demandé ce qu’elle vendait, et elle a ri en disant qu’elle ne vendait rien du tout, que ce qu’elle avait à offrir était gratuit pour quiconque le voulait vraiment. Je lui ai alors demandé ce qui l’avait aidée. Elle m’a juste répondu : « James ».

On se gare devant un immense ranch apparemment abandonné. Je ne sais pas qui j’incarne. Je ne sais pas si la voix entendue lors de l’introduction est celle de mon personnage, dont je ne connais ni le nom ni l’apparence – le point de vue est subjectif et sans modélisation du corps (ce qui aurait pu me dire au moins le sexe).

Je me mets à faire la seule chose prévue et autorisée par le VG, à savoir : pénétrer dans le ranch et l’explorer.

Attention je parle de ranch au sens d’exploitation agricole ; c’est donc une vaste étendue dans la nature avec différents édifices.

Une grande mélancolie se dégage de ces premiers moments. La musique de l’introduction, le soleil bas de la fin de journée, les lieux abandonnés que l’on traverse, les traces de la vie qui y régnait… Le premier édifice visité est un réfectoire, où les gens de la secte (car on comprend qu’il s’agit d’une secte avec un gouru, James) se réunissaient pour manger ensemble. On visite les cuisines, le garde-manger… Les documents lus et l’endroit en lui-même me semblent chaleureux. Il semblait faire bon vivre ici. Je suis charmé par cette idée de vie simple en communauté.

Petite bizarrerie : sur l’une des tables, un magnétophone. En appuyant dessus, l’image perd ses couleurs (on passe au noir et blanc) et une voix féminine raconte des choses au passé à propos de son expérience au sein du Paradis Parfait. Je me demande qui parle, si c’est la même voix que celle de l’intro et quel est le lien avec le personnage que j’incarne ?

La suite est structurée en quelque sorte comme un jeu de piste ; en explorant le réfectoire, on trouve une note qui mentionne que des clés sont accrochées sur le côté d’une bibliothèque, alors on y va, on ramasse les clefs, on cherche ce qu’elles ouvrent, on explore, etc. On explore de cette façon l’intégralité du ranch en découvrant beaucoup de documents, de lettres, nous renseignant sur les différents membres de la secte, leurs relations et comment ils vivaient cette existence.

Je finis par comprendre que mon personnage est une femme du nom de Lilian, qu’elle a vécu un temps dans cette secte mais qu’elle faisait partie des rares personnes n’ayant pas complètement perdu leur esprit critique… En effet, le Père James se révèle être une ordure, un pervers narcissique et même un assassin. On réalise qu’un agent du FBI était infiltré et qu’il communiquait avec Lilian. On apprend que des sévices physiques étaient imposés par la doctrine du Père James, doctrine qui évoluait arbitrairement (il prétendait recevoir la visite d’anges) au gré des fluctuations de son emprise sur son « troupeau » (ses ouailles)…

De plus en plus, la secte nous révèle sa vraie nature : un monde en vase clos oppressant, interdisant de penser, tout entier dédié à l’assouvissement des plaisirs très terrestres du Père James, qui couchait avec à peu près tout le monde.

L’exploration se termine après que Lilian ait revécu en mémoire ce moment traumatique où les membres de la secte se sont incendiés, vivants mais anesthésiés, dans une petite chapelle, et où elle-même a pu s’extirper de l’endoctrinement pour écouter son instinct de survie et se réfugier dans le bunker de James (qui était relié à la chapelle par un passage secret).

Au terme de cette nuit de souvenirs, de cette reconnexion à ce lieu de son passé, Lilian est en mesure d’appeler son compagnon par téléphone et de s’ouvrir à lui sur ce qu’elle a vécu lorsqu’elle était au Paradis Parfait, des années auparavant.

Bon, j’ai beaucoup aimé ce vidéogiciel. C’est une œuvre adulte, riche émotionnellement, magnifique esthétiquement dans son style à la fois rétro et pictural (de vrais choix sur les couleurs). J’ai été touché par le parcours psychologique de l’héroïne, qui fait le travail courageux et remarquable d’affronter son passé pour ne plus avoir à se cacher, à dissimuler ce qui se trouve au fond d’elle.

C’est un VG qui respecte notre temps et qui en moins de deux heures nous fait vivre une expérience significative sur la condition humaine.

Il y a un point que je regrette : les magnétophones. Je n’ai toujours pas compris comment les interpréter. Je ne pense pas qu’il faille les considérer de façon littérale ; ils n’ont aucune raison de se trouver à l’endroit où on les trouve. Je pense qu’à chaque fois qu’on en lance un, c’est l’héroïne qui, là tout de suite, médite, réfléchit, se remémore sa vie d’alors ; mais je ne pense absolument pas que ce qu’on écoute a réellement été enregistré sur une cassette (quand ?) ni qu’il existe une bonne raison pour cette dizaine de magnétophones d’être éparpillés ainsi aux quatre coins du ranch.

Pour quelqu’un sensible aux détails comme moi, ce procédé n’était pas top car il a parasité l’expérience du VG avec des questions non pertinentes. J’ai aimé écouter Lilian s’exprimer, je pense juste qu’il aurait fallu déclencher ces monologues méditatifs d’une autre façon, ne pas en faire un objet physique avec lequel interagir dans le décor.

Je questionne aussi la pertinence d’avoir fait un mystère de l’identité de la personne que l’on incarne. Pourquoi ne pas avoir établi dès le début que l’on était Lilian et que l’on revenait au ranch des années plus tard ? Pourquoi en faire quelque chose à mettre au jour, alors qu’à mon sens Sagebrush est in fine une expérience d’empathie forte avec son protagoniste ?

La première moitié de VG, c’était vraiment : « mais qui je suis ? Qu’est-ce que je fais là ? Est-ce que je suis l’un des membres de la secte dont je lis les lettres et si oui lequel ? »

Et au vu de la force de l’œuvre une fois les personnages et enjeux clairement définis, je me dis qu’il aurait été peut-être mieux d’y arriver plus rapidement.

Enfin, je garderai quand même de Sagebrush un excellent souvenir. Et ça a été réalisé par un mec seul ou presque ! Moi c’est vraiment ce type d’œuvres qui m’intéresse maintenant, je n’ai plus de goût pour les blockbusters pharaoniques à la UBISOFT, SONY ou autre, qui sont des hérésies à plein de niveaux : tellement chers à produire que zéro prise de risque, complexité graphique validant/obligeant un renouvellement des machines anti-écologique et habituant le public à un degré de fidélité visuelle intenable[2]… Bref, vivent les projets à taille humaine.

Note sur la version PS4 : au début je voulais pratiquer ce VG sur PS4 mais à mon grand désarroi, les olibrius en charge du portage console ont omis une option clef – l’inversion de l’axe vertical du stick droit ! Pour moi c’était ingérable donc j’ai acheté la version PC.

L'unique survivante d'une secte s'étant collectivement donnée la mort revient dans le ranch déserté où elle a jadis vécu endoctrinée. C'est une expérience courte, touchante et remarquable, avec néanmoins certains choix qui m'ont laissé perplexe. Esthétiquement magnifique et très riche humainement. J'en veux plus des comme ça !
Verdict = dispensable (pour le portage PS4) | ok | vaut le coup ! (pour la version PC originale) | énormissime

 

Note(s)

  1. ^ Présentation de la boutique Nintendo.
  2. ^ Intenable car réalisable uniquement par des équipes démesurées de centaines de personnes sur de nombreuses années.

 

Galerie d’images

01
Un document dans une autre pièce nous invite à regarder sur le côté de cette bibliothèque pour y trouver les clés du portail et de la réserve. La structure du challenge interactif du VG est en quelque sorte celle d’un jeu de piste.
02
On trouve plusieurs de ces magnétophones dans le ranch. On peut cliquer dessus pour écouter la bande enregistrée. C’est toujours la même voix qui parle, mais à qui appartient-elle ? C’est bien plus tard que j’ai compris que c’était notre héroïne. Mais pourquoi diable des magnétophones avec des cassettes enregistrées par elle sont-ils dispersés aux quatre coins du ranch ? Avec en plus une narration au passé, qui raconte depuis… le présent, en fait, comme si elle parlait là tout de suite maintenant. Un procédé qui m’embrouille un petit peu la tête ! Sur le fond, ce que Lilian exprime est souvent très intéressant, touchant.
03
On arrive au ranch abandonné avec cette voiture.
04
Une visite d’un lieu du passé de notre personnage.
05
Visuellement je trouve ça magnifique. Les couleurs sont dignes d’une œuvre picturale.
06
Voici à quoi ressemble notre ancien gourou (au début on ne sait pas vraiment que l’on a fait partie de la secte).
07a
Le portail est un élément du décor avec lequel on peut interagir. Alors quand on s’en approche, et tout en le regardant…
07b
…il se colore en jaune pour nous signaler une interaction possible, explicitée par un texte.
08
Le lieu de restauration collective. Je trouve que cela fait envie, cette vie en communauté où les gens veillent les uns sur les autres et participent tous au bien commun, aux activités nécessaires… Bien sûr il y a un côté bien plus sinistre et profondément malsain que l’on découvre ensuite.
09
J’ai beaucoup aimé explorer tous les bâtiments. Ils sont une dizaine, tous uniques et ont tous quelque chose à nous raconter, d’une façon ou d’une autre (textuelle via des documents ou simplement par l’observation du décor).
10
L’extérieur du ranch est magnifique. Le choix du crépuscule au début de l’exploration accentue la mélancolie.
11a
L’heure avance au fil de nos découvertes dans le ranch, à des moments prédéfinis…
11b
11c
…et quand Lilian émerge finalement du bunker et se décide à appeler son compagnon, voici l’aube et la promesse d’un nouveau départ.
12a
Une lettre d’une mère à sa fille. Bon je ne vois pas trop pourquoi elle communiquerait avec sa fille par lettre mais passons. On voit que la mère est endoctrinée et ne tolère pas le scepticisme de sa fille, qui je le précise n’est qu’un enfant…
12b
…autre document, un écrit du gourou, Père James, prétendant voir des anges et récitant une doctrine consistant, en résumé, à s’infliger des souffrances physiques et à, en ce qui le concerne, coucher avec toutes les femmes de la communauté.
13a
Les mines. On y découvre des caisses pleines d’armes à feu…
13b
…et le cadavre de l’agent du FBI infiltré dans la secte (qui était en contact avec Lilian).
14a
Nous revivons le terrible suicide collectif où les adeptes se sont rassemblés dans une église et se sont drogués avant de mettre le feu aux parois. Lilian a trouvé in fine la volonté de survivre…
14b
…et s’est refugiée dans le bunker secret du Père James, dont l’entrée se trouve au fond de l’église, derrière des étagères.

 

Commentaires

1. Le dimanche 8 juin 2025, 19:41 par Marie-Thérèse

Très joli texte et superbe galerie d’images, preuve comme tu dis qu’avec des moyens limités on peut créer de belles œuvres ! Merci pour ce partage, j’ai passé un agréable moment !

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