Prodeus (PS5)
Par Pierre Compignie le dimanche 8 juin 2025, 14:00 - Critiques toute neuves
Développé par : BOUNDING BOX SOFTWARE (Texas[1])
Sorti à l’origine en : septembre 2022 (Europe, version PC)
Comment j’ai pratiqué : Terminé en 25h en mode de difficulté normal sur PS5 avec la manette Dual Sense Edge. 60 images par secondes. Version 2.000.000 (numéro interne 1.02). Textes en Français, aucune voix.
Bidouilles diverses : J’ai affecté les boutons L3 (sprint) et croix (saut) sur les palettes droite et gauche de la Dual Sense Edge, pour une meilleure ergonomie.
Ressuscitez le chaos des FPS d’antan… réimaginé en utilisant des techniques de rendu et des technologies modernes ! Affrontez les Prodéens et les forces du Chaos dans une campagne conçue par des vétérans du FPS. Amusez-vous dans les modes coopératifs et multijoueurs compétitifs classiques. Lancez-vous dans une bataille sans fin sur des cartes créées par la communauté dans Prodeus, le jeu de tir sur Boomer que vous attendiez.[2]
Je n’ai pas résisté à laisser telle quelle la pitoyable traduction française de la présentation : « jeu de tir sur Boomer » mais mon Dieu quelqu’un a-t-il relu cette phrase ? Alors non, on ne tire pas sur des boomers dans Prodeus… On tire sur des monstres ou des humains zombifiés, pas sur des cinquantenaires (heureusement). En Anglais on parle de « boomer shooter » pour faire référence au genre de FPS qu’ont pratiqué les boomers dans les années 90 ; c’est cette expression qui a été traduite de façon bien malheureuse par « jeu de tir sur Boomer » (les bras m’en tombent).
Sinon, j’ai trouvé que Prodeus était un FPS au style rétro particulièrement agréable à pratiquer, mais trop long. Je m’explique.
Le contrôle à la manette est particulièrement riche et sensible. D’abord la zone morte du stick droit est parfaite[3] : c’est une scaled radial deadzone idéale avec des diagonales bien prises en compte et une accélération bien progressive à mesure que l’on pousse le stick. Ensuite, les vibrations de la Dual Sense sont complexes et immersives, tout comme les effets gâchette qui simulent superbement le ressenti de certaines armes (la gatling par exemple, qui fait tressauter la gâchette à chaque tir). Il y a une dimension tactile unique à Prodeus qui étend les sensations procurées par le VG.
Il y a une trentaine de niveaux (à la louche) qui sont remplis d’ennemis et de secrets (recelant des munitions mais aussi des minerais pour acheter de nouvelles armes voire capacités). Chaque niveau m’a pris un peu moins d’une heure, voire une heure, en sachant que je mettais un point d’honneur à trouver tous les secrets.
Ça n’a pas été une tâche facile, surtout parce que les niveaux ont souvent un point de non-retour au-delà duquel revenir en arrière est impossible ; tant pis pour les secrets éventuellement loupés, ils devront faire l’objet d’une revisite ultérieure du niveau (une espèce de carte du monde permet de refaire chaque niveau à sa guise). Dans chaque niveau se trouve un objet « carte » qui complète la carte 3D accessible à tout moment et révèle ainsi les secrets (si on la scrute consciencieusement). Cependant si un secret se trouve dans une portion que l’on a déjà passée et qui nous est maintenant inaccessible, pas d’autre choix que de noter l’emplacement (ou prendre une capture d’écran) pour y revenir plus tard.
Il y a tout de même trois secrets (oui juste trois, sur cent cinquante à la louche) qui m’ont fait déclarer forfait. Je savais où ils étaient (grâce à la carte) mais alors, impossible de trouver comment les atteindre (corniche trop haute) ou comment déverrouiller leur cache. Il y a souvent un interrupteur masqué à actionner mais dans ces trois occurrences je ne l’ai pas trouvé. J’ai identifié trois façons dont les développeurs ont « masqué » ces interrupteurs secrets : soit en les rendant minuscules, soit en les éteignant (il y a une main visible, l’icône classique d’un interrupteur, sauf qu’elle n’est pas allumée et donc ne ressort pas dans le décor), soit encore en les rendant actifs depuis derrière la paroi où ils sont visibles (et là c’est le son « ding » d’interaction possible qui nous alerte quand on est devant).
La recherche des secrets était sympa, généralement pas trop dure, mais moins joyeuse, plus laborieuse que dans Quake que j’ai commencé aussi il y a quelques semaines. Ce ne sont pas des secrets forcément hyper créatifs dans la manière dont ils sont conçus. Et puis le fait qu’ils apparaissent sur la carte a évidemment un impact sur l’intérêt du challenge. Les secrets de Quake nécessitent vraiment de se creuser la cervelle et de tenter des choses improbables (par exemple marcher sur de la lave avec un bonus d’invulnérabilité prévu pour le combat). Ceux de Prodeus, franchement moins.
Visuellement le style de Prodeus rappelle beaucoup celui de Doom (industriel infernal, lave…) et s’est avéré pour moi assez répétitif. Comme dans Doom, il n’y a quasiment pas de scénario, on ne sait rien sur le héros ni sur l’univers, à part que les forces du Chaos et les Prodéens se tapent dessus, que les uns sont rouges et les autres bleus.
Bon et dans tout cela je vous ai à peine parlé des combats. On utilise toute une panoplie d’armes à feu : mitraillettes, fusils à pompe, arme à énergie, lance-roquettes, lance-grenades… C’est assez classique et en fait beaucoup d’armes et d’ennemis rappellent ceux de Doom. En fait le VG ressemble beaucoup à Doom (2016) mais s’il était resté rétro dans son esthétique et sa conception des combats[4]. En terme de mobilité du personnage et de complexité des environnements, on est complètement dans Doom (2016) (on peut sauter voire double sauter, et même se ruer dans une direction[5]) mais en terme de façon de combattre on est plutôt dans le Doom original, voire le Doom 3. Il s’agit bien souvent de rester le plus loin possible des ennemis et de les éliminer aussi vite que l’on peut. Cela passe par l’habileté à la visée (j’ai désactivé l’assistance) et par le choix de l’arme (qui doit être efficace contre l’ennemi qui nous fait face).
Le VG est suffisamment prenant et engageant dans chacun de ses niveaux pour que je réussisse à aller jusqu’au bout (un niveau, maximum deux en une session, mais pas plus). Chaque niveau est un environnement assez immense à explorer, plein d’ennemis à arroser qui nécessitent d’être très actif à la manette : bouger pour éviter leurs attaques, qu’elles soient de type projectile ou de contact, sprinter pour fuir, bien viser… Il y a aussi souvent un côté « plateformes » avec beaucoup de sauts à effectuer, gérer les précipices, utiliser le sprint pour sauter plus loin…
Et puis tirer sur les ennemis est assez gratifiant et défoulant, puisque le sang gicle en abondance (et repeint les murs) et qu’il y a même un système de démembrement, certes discret — je me suis souvent surpris à réaliser qu’il manquait un bras à un ennemi car je n’avais pas distingué l’amputation dans le chaos des tirs et du gore.
La campagne a le bon goût de proposer aussi tous les quatre ou cinq niveaux un défi de vitesse : il s’agit de compléter un parcours le plus vite possible, en tirant sur toutes les cibles avec une arme bien précise. Le timing est suffisamment serré pour que l’adrénaline monte bien comme il faut, et c’est un bol d’air frais bienvenu après une succession de chapitres qui nous font vivre un peu la même chose.
Le VG nous invite subtilement mais sûrement, via le pourcentage de complétion, à terminer tous les niveaux en remplissant les trois critères suivants : aucune mort, tous les secrets obtenus, tous les ennemis tués. C’est encore un point qui participe à l’efficacité de l’expérience Prodeus, puisque cet enjeu de ne pas mourir ajoute un aspect « survie » qui participe à la tension ressentie et donc à l’intérêt de l’expérience. On gère notre stock de munitions mais on gère aussi notre santé, en prenant garde à ne pas ramasser une méga trousse de soins alors qu’on est à 98 sur 100…
Globalement l’expérience Prodeus est donc franchement engageante, prenante, défoulante, riche de sensations, notamment tactiles. C’est donc un FPS efficace. Pourtant, je ne peux laisser sous silence la profonde vacuité de la chose… L’absence de toute histoire, de tout personnage, de tout horizon au-delà de l’exploration et du nettoyage de grands niveaux, ne mérite pas à mon sens d’y consacrer vingt-cinq heures. Dit autrement : c’est trop long. Pour expérimenter un design particulier de FPS et une succession de niveaux n’ayant rien à voir entre eux, franchement, je pense que cinq à dix heures auraient suffi. Je sais que Prodeus dispose d’un éditeur de niveaux permettant à la communauté de créer ses propres niveaux et de les mettre à disposition de tout un chacun : très bien, ceux qui veulent du rab en auront. Mais une campagne solo aussi longue pour ne rien raconter, franchement, je ne vois pas l’intérêt. Ce que j’ai apprécié dans les derniers niveaux, c’était à peu près les mêmes choses que dans les premiers — pas besoin d’itérer cela trente fois ! C’est vraiment surestimer, à mon sens, le temps de vie humaine à consacrer à ce type d’expérience.
Prodeus est un FPS qui fonctionne très bien dans sa campagne solo, avec des fusillades et une exploration qui sont dynamiques et prenantes, et notamment un aspect tactile particulièrement réussi avec la manette Dual Sense — j'ai « ressenti » les armes comme rarement auparavant. Seulement, Prodeus est aussi un désert narratif, émotionnel et humain et pèche dans ce contexte par manque de concision. Il croit que son concept de FPS cool a la légitimité de s'étirer sur une trentaine de niveaux, alors qu'il n'a strictement rien — rien de rien — à raconter au-delà de ses combats et de sa recherche de secrets... Je tiens ici à marquer respectueusement mon désaccord.
Verdict = dispensable |ok|vaut le coup !|énormissime
Note(s)
- ^ Cette info a été difficile à obtenir et je n’en suis toujours pas sûr à 100%. Je me suis fié au lieu de travail du développeur principal mentionné sur LinkedIn pour ses années dans cette boîte.
- ^ Présentation de la quatrième de couverture.
- ^ Je précise que pour arriver à ce résultat il faut… neutraliser complètement la zone morte dans les options ! C’est-à-dire la paramétrer à la valeur zéro. Oui c’est crétin, et faut le savoir, mais le résultat ensuite est parfait. J’ai découvert cela grâce à EternalDahaka dans sa vidéo YouTube.
- ^ Le Doom de 2016 a un système d’animations d’exécution des ennemis blessés, indispensable pour régénérer la santé et les munitions du personnage, qui modifie considérablement la dynamique et le rythme des combats (puisqu’on doit foncer sur les ennemis pour déclencher une cinématique d’exécution — au lieu de rester à distance, et que durant cette cinématique on est bloqué, on ne peut plus rien faire qu’attendre).
- ^ Il n’y avait pas la ruée dans Doom (2016) mais le double saut, si.
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Commentaires
Je suis intriguée par l’effet « gatling » de la manette sur la gâchette et curieuse de le voir en vrai ! Bien aimé la traduction de « Boomer shooter »!
Merci pour ce partage!